DANSE | CRITIQUE

Ciao bella

PCéline Piettre
@29 Jan 2010

Cette fois, ils sont cinq sur la scène du Centre Pompidou, à décliner les clichés de la beauté féminine. Un an après Julie entre autres, Herman Diephuis se reprend au jeu du recyclage, nous laissant sur les papilles un goût de déjà-vu.

Dans Ciao Bella, on prend la pose. Le corps féminin s’épanche, s’arque et s’étire dans une sensualité silencieuse. La main soutient la tête, pensive, le bassin s’arrondit en un contrapposto de Vénus pudique et les bras s’élèvent en un port gracieux. Tout est là ! Des trois grâces antiques aux mannequins des défilés de mode, la gestuelle normée de la femme s’organise en une chorégraphie brillamment orchestrée par le maître du recyclage : Herman Diephuis. Et comme souvent dans ses pièces, le ballet, en se déréglant, dévoile la dictature des stéréotypes et le grotesque des apparences jusqu’à se figer, mortifère. Si bien que les mimiques de l’amour courtois, pâmoisons et timides enlacements, se confondent étrangement avec les pietà et les mises aux tombeaux de la peinture classique ou baroque.

Pour cette nouvelle création, le chorégraphe belge se situe dans la stricte continuité des précédentes, D’Après-J.C (2004) et Julie entre autres (2008) : même recours à la voix, à la musique populaire, à l’iconographie classique ou contemporaine, aux techniques de postproduction empruntées au cinéma — ralentis et mixage — et bien-sûr à cette anthropologie du geste, qui ne manque pas de finesse. Mais sans aller jusqu’à lui reprocher sa constance, on se pose la question des limites de cette déclinaison (à l’infinie ?), si virtuose et si parfaitement interprétée soit-elle. Ou peut-être faut-il s’en prendre au propos en lui-même, quelque peu galvaudé dans cette réflexion sur les dictats imposés aux femmes et leurs normes de représentation.

Tout, ici, est cruellement clair malgré le noir des costumes. Policé. Sans ombres portées. La torpeur nous envahit, et ce malgré les incursions sonores, kitchs et tonitruantes, de Beyonce ou de Madonna. Le chorégraphe nous avait promis « la liberté dans le paroxysme de l’apparence ». On se sent, au contraire, comme prisonnier d’une forme qui se répète, et de son corollaire : l’ennui. Nostalgique de notre première fois avec Herman Diephuis…

— Conception, chorégraphie : Herman Diephuis
— Créé en collaboration avec, et interprété par : Julie Guibert, Claire Haenni, Dalila Khatir, Maud Le Pladec, Catherine Pavet
— Regard extérieur : Julien Gallée-Ferré
— Musiques : Paul Misraki, Madonna, Johan Strauss, Peter Ilyich Tchaïkovski, Olivia Newton-John, Bee Gees, Richard Wagner, Amilcare Ponchielli
— Création lumières : Sylvie Mélis
— Création son : Alexis Meier
— Costumes : Alexandra Bertaut
— Régie générale et régie lumières : Sam Mary
— Production, administration, diffusion : Bureau Cassiopée

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