ART | EXPO

Christian Roth et Sylvie Turpin

23 Mar - 20 Avr 2013
Vernissage le 23 Mar 2013

Christian Roth travaille la potentialité expressive du geste et de la couleur. Sylvie Turpin, quant à elle, forme des blocs de couleurs qui découpent à même le mur des pleins et des vides. Tous deux interrogent la picturalité en mettant en œuvre des formes et des matières qui tendent vers l’objet, entretenant un rapport sensuel à la couleur.

Christian Roth et Sylvie Turpin

Christian Roth
Christian Roth s’inscrit dans une tradition qui travaille la potentialité expressive du geste et de la couleur. Il revendique une filiation avec l’expressionnisme abstrait américain et l’abstraction gestuelle ou lyrique en France. Mais il se détache du pathos au profit d’un choix tendant vers l’objet. Ce qu’il vise dans chacune de ses œuvres, c’est à cristalliser dans un même relief le dynamisme de la forme, l’intensité du geste et les ouvertures que permettent les contrastes colorés.

Il y a dans cette volonté de faire du geste un objet, le souhait d’échapper à l’allégorie et à la métaphore de l’arabesque comme une sismographie de l’être. Il s’agit bien plus de donner forme à ce que sculpte dans l’espace l’articulation entre les mouvements du corps et le tracé du pinceau. En quelque sorte, exacerber la légèreté du calligraphique dans la puissance d’un geste. Il s’agit pour lui de fixer dans l’espace le plein et le délié de la couleur.

Du coup, comme il le note lui-même «l’intérêt se porte alors sur certains accidents dans un creux, met en avant une coulée de couleur sur une saillie, met entre parenthèses un délié, un peu comme une ponctuation, il y a là une forme de rhétorique, une musicalité. Si mes travaux se développent dans l’espace et bien qu’indéniablement ils soient en relief, il ne s’agit pas pour autant de sculptures polychromes. Ma préoccupation reste bien picturale… sculpter avec la couleur me paraît plus juste. C’est pourquoi il y a dans ses «reliefs» un sens de la réduction et de la condensation. Elles donnent à son entreprise d’arrachement du dessin et de la couleur au plan ses lettres de noblesse. Elles leur donnent à la fois du corps et une respiration.

Sylvie Turpin
Sylvie Turpin marie au plus intime de son œuvre la forme et la couleur. Nombre de ses «objets» sont réalisés en plâtre. Ils rendent indissociables le plan, la couleur et la forme, et constituent le mur comme fond sur lequel l’œuvre va dessiner ou découper sa présence. Cette imbrication entre le matériau et sa couleur, cette matérialisation de ce qui fait à la fois contour, limite et forme, est décisive. Elle met en jeu un acte essentiel qui, au-delà de la production de la matière, est constitutif du fait pictural: celui qui consiste à penser le non peint comme le noyau de la peinture et de la couleur.

Le vide est chez Sylvie Turpin comme l’âme du peint. C’est une césure qui ouvre à la couleur, une entaille qui configure la forme. Ce n’est pas par hasard que sa peinture participe d’un double mouvement. D’une part, celui qui va du simple au complexe, avec l’inclusion dans le processus de production d’une logique additive, comme c’est le cas dans sa série qui va du rouge au carmin. D’autre part, une logique réductive qui concentre la forme comme c’est le cas dans ses «tranches» où la peinture est «travaillée» dans ses potentialités tout en étant concentrée en un bâton de peinture.

Ce noyau central peut aussi se matérialiser par le vide central dans certaines de ses flacs en intégrant le blanc du mur comme la matrice qui les configure. Dans d’autres œuvres, c’est l’entaille centrale qui à la fois sépare et tient les pans de couleurs. C’est dans la déchirure et la séparation que se noue ici le lien entre deux plans colorés, leur permettant d’advenir comme œuvre. Dans des œuvres comme Dos à dos, l’entaille ouvre à la mise en forme; elle permet de s’approprier le mur comme dessin et fond.

Utilisant la technique de la fresque, Sylvie Turpin fait du temps la matrice essentielle de ses compositions. Elle joue des superpositions de couches dans une stratégie subtile qui lui permet de lier dessin et couleur, monochromie et polychromie.

Dans les débordés, la matière se fait colonne et des deux bords s’épand la couleur dans des expansions séparées par un zip central (il y a là un écho revendiqué à Barnett Newman). L’épandage et sa césure centrale donnent une intensité à la couleur, comme le silence à la note. Elle prend en charge la dimension ornementale de la couleur et de la forme. Mais l’économie des moyens et la qualité des matériaux choisis en élargissent le champ tout en permettant cette tenue à ce que l’on pourrait nommer chez elle la couleur-matière.

Ce qui fait la singularité de son œuvre épurée et sensuelle, c’est d’être à la fois intimement liée au pariétal et de s’en détacher. Voici donc des blocs de couleurs qui découpent à même le mur les pleins et les vides qui les charpentent. Ils concentrent en eux la couleur; ou en suscitent l’expansion à l’échelle de leur amplitude possible.

AUTRES EVENEMENTS ART