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Chema Madoz

PAriane Carmignac
@12 Jan 2008

Cadavres exquis, associations poétiques et puissamment perturbatrices, les photographies de Chema Madoz obéissent à de très savants glissements de sens.

Au premier abord, on se croirait plongé dans un univers à la Magritte. En effet, en guise de réponse à une interrogation muette, la photographie d’une «pipe-saxophone» (Pipa, 1999), placée à l’entrée de l’exposition, semble se tenir là comme pour signifier le clin d’œil et la révérence obligée. Une fois accrochées les références à ce porte manteaux inaugural (puisque ceci n’est pas une pipe à la Magritte, ni une chaise à la Kossuth), ce n’est plus tant une succession de «trahison des images» qu’il s’agit d’affronter, qu’une série de natures vivantes, ou parlantes.

Ces images d’objets tirent leur force et leur énergie d’un double paradoxe : celui d’être là, et celui de pouvoir être là par la photographie. Selon Christian Caujolle, le travail de Chema Madoz est une «mise en forme d’un monde délicat qui se moque gentiment de notre crédulité pour la photographie» (Chema Madoz, éd. Assouline, Paris, 1999). Notre crédulité, c’est-à-dire le fait de croire que ce que l’on voit sur la photographie est vrai.

Madoz ruine les conventions de la nature morte en conférant une vie, voire des sentiments aux objets qu’il photographie. Les objets ne sont jamais inanimés, mais comme dotés de sentiments humains.

Les séries photographiques exposées évoquent, en effet, moins ces cabinets de curiosités qui étalaient leurs meilleurs spécimens, qu’un ensemble de cadavres exquis, obéissant à de très savants glissements de sens. Ce qui confère aux objets une autonomie, c’est-à-dire vie et cohérence.

L’effet ne repose pas seulement sur la fabrication d’objets-trompeurs, qui se dérobent à leur fonction et à leur utilisation en basculant d’un coup dans l’étrange (une tasse dont le fond est en fait un évier) ; il réside aussi dans l’association «poétique» et puissamment perturbatrice de deux éléments (un échiquier posé sur un piano en guise de partition).
L’alliance crée, plus qu’un rébus, une proposition éloquente, qui en viendrait presque remettre en cause l’absence de paroles de ces images.

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