DESIGN | CRITIQUE

Che fare

PMuriel Berthou Crestey
@19 Fév 2010

Véritable exposition-manifeste, la présentation à la galerie Alain Gutharc intitulée Che fare associe deux maîtres du design italien: Enzo Mari et Gabriele Pezzini. Les premières pièces d'Enzo Mari datent des années 1950, elles de Gabriele Pezzini des années 1990. Mais ces deux activistes du design regardent dans la même direction…

En entrant dans la galerie Alain Gutharc, on se trouve face à une longue table en profilé de fer surmontée d’un plateau de verre (Enzo Mari, Driade, 1973) où sont disposés deux vases doubles et réversibles en thermoplastique moulé (Enzo Mari, Pago Pago, 1968). Sur la même estrade trône la chaise Box (Enzo Mari, 1971), récemment rééditée par Aleph: son assise confortable est en polypropylène perforé.

Traditionnellement dédiée à l’art contemporain, la galerie Alain Gutharc ouvre annuellement ses espaces à des pratiques situées à la charnière du design, dans le but d’exposer «le fruit des réflexions d’une époque».
Enzo Mari et Gabriele Pezzini sont invités à repenser la question du standard, et à réagir contre la déliquescence du design.

On est frappés par le radicalisme des volumes et des objets, réduits à leur plus simple expression, par l’approche militante d’un design où l’utilité de l’objet prévaut sur sa dimension esthétique. Il s’agit de concevoir des objets démocratiques, abordables à tous. Avec des formes simples, sans fioriture.

Dans un deuxième espace, les réalisations de Gabriele Pezzini telles que Moving (tabouret portable en plastique aux allures de seau de plage, 2003), ou Match Radio (rectangle épuré dédié à une écoute itinérante, 2001) côtoient les pièces maîtresses d’Enzo Mari: un plateau en fer brut, légèrement courbé, se transforme en vide poche (série Putrella, 1958). Une bibliothèque autoportante met à profit la légèreté de l’aluminium anodisé naturel dans une composition minimaliste. Les lignes sont d’une grande sobriété.

Gabriele Pezzini veut créer des objets pérennes et «aboutis», capables de résister aux tendances et modes passagères. Leur mise en relation avec les créations qu’Enzo Mari a réalisées quarante ans auparavant place celui-ci dans une posture de pédagogue du design. En 1957, Enzo Mari a réalisé un puzzle dont la dimension astucieuse et intemporelle n’égale que la sobriété: d’un bloc de bois se détachent seize animaux découpés dans la masse. Plus tard, il réalisera plusieurs livres pour enfants avec sa femme Lela.

Dans un manifeste édité parallèlement à l’exposition, Enzo Mari et Gabriele Pezzini lancent des propos acerbes contre «l’absence de critique», le consumérisme et la «course à la nouveauté» du design actuel.
Ils accusent les écoles d’art spécialisées d’être des nids d’incompétence et se proclament autodidactes (bien qu’ils aient l’un et l’autre été enseignants ou étudiants à l’ISIA) pour rompre avec une dérive qui a contaminé le monde du design.

Le constat, sans appel, est exprimé par le titre de l’exposition: Que faire. L’espoir d’une solution est à chercher dans la simplicité.

Liste des Å“uvres
— Enzo Mari, Série Putrella, modèle A, Danese, plateau en fer brut, 1958.
— Enzo Mari, 16 animaux, Danese, produit en bois par Danese en 1959, puis en polyuréthane, 1957.
— Enzo Mari, Sof Sof, produit par Driade, réédité par Robots, chaise à structure en fil d’acier, 1971
— Enzo Mari, Pago Pago, Danese, vase double en ABS moulé par injection, 1968
— Enzo Mari, Box, produite par Anonima Castelli, rééditée par Aleph, polypropylène et tube en acier, 1971
— Enzo Mari, Frate, Driade, table en profilé de fer, traverse en hêtre et plateau en verre, 1973
— Enzo Mari, Delta, Robots, bibliothèque autoportante en aluminium anodisé naturel, 2000.
— Gabriele Pezzini, Moving, Maxdesign, tabouret portable en polyéthylène, 2003.
— Gabriele Pezzini, Match Radio, version A, Areaplus, radio de voyage en ABS et aluminium extrude, 2001.
— Gabriele Pezzini, Wired chair, produite par Nice Company, éditée ensuite par Maxdesign, chaise en fil d’acier, 2003
— Gabriele Pezzini, Dancer, Maxdesign, tabouret à hauteur réglable en acier et polyuréthane, 2004
— Gabriele Pezzini, Crystal, Maxdesign, table en fil d’acier et plateau stratifié HPL, 2004
— Gabriele Pezzini, Clarté, version A, Oluce, lampe de table, premier prototype en métal peint, 2008

Publications
— Enzo Mari, Gabriele Pezzini, Che fare, Paris, galerie Alain Gutharc, 2009.
— Enzo Mari (et alii.), 100 Projects of Enzo Mari in the Keiji Nagai Collection, catalogue édité à l’occasion de l’exposition au Nagasaki Prefectural Art Museum, du 14 juin au 7 septembre 2008, Nagasaki, 2008.

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