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Châtaignes et vin

PGérard Selbach
@12 Jan 2008

Avec Richard Fauguet, plasticien touche-à-tout, tout devient ludique et facétieux. Des combinaisons impossibles d’éléments dissemblables créent la dynamique de ses images et lui permettent d’atteindre une nouvelle intensité. Par ses réalisations hybrides l’artiste parvient à concilier les inconciliables et nous force à voir autrement, et avec humour.

Un titre d’exposition, c’est quoi ? Un appel à découvrir du nouveau, une anticipation de plaisir esthétique, une attente d’émotion poétique, rarement un simple teaser de publicitaire. Avec « Châtaignes et vin » de Richard Fauguet, le titre de saison est assurément une promesse d’étonnement. L’imagination du visiteur part en goguette, et elle n’est pas déçue : l’inattendu côtoie l’étrange, les genres se mêlent, et les matériaux se superposent. Il en résulte des visions insolites, hétéroclites, hors des conventions. L’originalité de l’artiste est de nous mettre face à un remaniement pictural qui défie toute logique, remet en cause notre perception du monde et questionne l’art.

Son inventivité est fondée, entre autres, sur l’usage inhabituel des éléments : des tuyaux de cheminée en acier aluminé, assemblés de manière à devenir un fauteuil Wassili de Marcel Breuer pour quelque géant, ou deux tuyaux de cheminée verticaux, transformées en lampes halogènes. Leur changement de fonction les métamorphose et leur confère des propriétés esthétiques qui nous plongent dans l’irréel ou, pour le moins, l’étrange.

Sa prédilection, dans cette exposition, va vers les images décalées et le mélange des matériaux. Dans une série de sept photographies de mariage, il redécoupe au cutter — technique dite de l’« épluchage » — la surface de la photo correspondant aux silhouettes retouchées du couple de mariés, engendrant par là quelques fantômes improbables qui laissent vaguement deviner les poses d’origine. Richard Fauguet donne libre cours à son imagination en dissimulant et se défaisant de ce qui était le sujet essentiel des photos. Sans doute, l’enjeu est-il aussi de se moquer du rite et de l’institution du mariage, une pratique qu’il réitère lorsqu’il s’adonne au détournement du portrait d’une communiante portant aube blanche et bouquet de fleurs en l’affublant d’un casque de pompier découpé en papier argenté. Sa logique transgressive crée le comique.

Il perpétue la recette des collages dans six autres photographies où il pose au premier plan des chevaliers du Moyen Âge en armure argentée sur des photos de chambres ou de salons contemporains, mises à l’envers pour faire bonne mesure. Les montages aboutissent à des anachronismes qui réécrivent l’histoire et révèlent un monde renversant. De l’incongruité relationnelle des éléments naissent l’humour et la fantaisie, et l’on imagine aisément l’artiste riant des mystifications de ses photos-montages.

Le plasticien est un touche-à-tout qui multiplie les impulsions créatives : il utilise la technique du sablage sur un miroir pour que, des parties blanches, se dessine un chevalier monté sur un cheval harnaché et cuirassé; il crée des portraits à partir de bandes de scotsch usagées, qui gardent encore l’empreinte du support sur lequel elles étaient préalablement collées. Même ses lustres en verre transparent finissent par ressembler à des boules de piquants. Tout devient ludique et facétieux.

Ses illustrations et montages fragmentés manifestent un jeu sur l’image qui, par-delà l’entendement, permettent de visiter le monde intérieur de l’artiste. Des combinaisons impossibles d’éléments dissemblables créent la dynamique de ses images et lui permettent d’atteindre une nouvelle intensité. Sa démarche nous pousse à nous émanciper des possibles connus pour nous évader vers un univers libéré, étrange et rêvé qui fait son originalité. L’artiste parvient ainsi, par ses réalisations hybrides, à concilier les inconciliables et nous force à voir autrement, et avec humour.

Richard Fauguet :
— Sans titre (Le communiant), 2003. Aluminium sur photographie couleur. 77 x 67 cm encadré.
— Sans titre (Lustres), 2003. Verre et silicone. Dimensions variables.
— Sans titre (Chevalier), 2003. Vénilia sur papier. 51 x 41 cm encadré.
— Sans titre, 2003. Main en plastique et feutrine, boule de pétanque.
— Sans titre, 2003. Tuyaux de cheminée en acier aluminé. 250 x 230 x 230 cm.
— Sans titre, 2003. Tuyaux de cheminée en acier aluminé et lampe halogène. Dimensions variables.
— Sans titre, 2002. Peinture sous miroir sablé réalisée en collaboration avec Daniel Schlier. 170 x 170 cm.
— Sans titre (Mariés), 2001. Encre sur photographie couleur épluchée. 67 x 80 cm.
— Sans titre, 2003. Scotch sur papier.

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