ART | CRITIQUE

Charlie & Sabrina, qui l’eût cru?

PMuriel Denet
@22 Nov 2011

Audrey Cottin se pense comme «un volume de gens avec lesquels [elle] collabore». Artistes ou non, ses collaborateurs sont mis en relation, sur un mode amical, professionnel ou contractuel, en vue d’une interaction et d’une action.

L’œuvre et la vie d’Audrey Cottin se confondent, entre action et réception. A tel point que l’artiste se pense comme «un volume de gens avec lesquels [elle] collabore». Artistes ou non, ces collaborateurs sont choisis par «affinités électives ou par le biais de stratégies référentielles», et mis en relation, sur un mode amical, professionnel ou contractuel, en vue d’une interaction, qui se coagulera éphémèrement en une action.
L’exposition, telle que celle qui se tient au Jeu de Paume, n’est, pour Audrey Cottin, qu’une pause, sous forme d’apparition publique.

Kelly Schacht, Matt Sheridan, Mariana Castillo Deball, Sober & Lonely, Steven Baelen ont apporté à l’installation Charlie & Sabrina, qui l’eût cru?, qui la lumière, jaillissant jaune d’une batterie de projecteurs de diapositives aux carrousels vides, qui les tracés noirs et sinueux zébrant le plafond de la mezzanine, qui un contrat télépathique, etc.

Le visiteur verra aussi un amas de tuyaux rigides en pvc gris, de longueur identique, d’environ quatre mètres, enfilés et reliés sur un réseau de corde orangée. Mais seule l’activation de cette sculpture amorphe peut en révéler l’organisation.
Dans un exercice de topologie active, Audrey Cottin, aidée de trois participants pris dans le public, déploie la structure qui passe alors par une multitude de figures géométriques chaotiques, pour finir par se déployer en une parfaite forme cubique. Le temps de quelques applaudissements, une métaphore furtive occupe le volume du foyer, sous la forme d’un cube ouvert, sans cloison, circonscrit dans l’espace d’exposition.

En l’absence de la performance, il reste au spectateur de passage, la lecture d’un extrait désopilant des Sophismes économiques de Frédéric Bastiat (1845), qui prône la nécessité de voiler le soleil, pour assurer la prospérité des marchands de chandelles, ou d’un contrat, signé avec Sober & Lonely, sur un engagement à penser à heure fixe, chaque jour, à des personnes ainsi convoquées télépathiquement, et listées sur une page Google mise à jour régulièrement, jusqu’à constituer une foule télépathique et virtuelle.

Et le catalogue, qui contient une documentation photographique des actions diverses et variées de l’artiste, ainsi qu’un entretien avec le commissaire Raimundas Malasauskas, qui s’avère être un savoureux remix des interviews des prédécesseurs d’Audrey Cottin, dans la programmation Satellite 4. On y apprendra aussi que Charlie et Sabrina sont un canard et un lapin, artistes de rue, qui, sur ordre de leur dresseur, se jettent l’un vers l’autre dans un élan amoureux. Le comble de la plasticité du vivant.

Oeuvres
Audrey Cottin, Charlie & Sabrina, qui l’eût cru?, 2011. Installation et performance.

Publications
Catalogue de l’exposition, textes d’Audrey Cottin et de Raimundas Malasauskas, Éditions du Jeu de Paume, 2011

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