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Chantal Crousel

La galeriste Chantal Crousel est une référence incontournable de la scène parisienne. Les artistes qu’elle a su défendre dès les années 1980 sont aujourd’hui devenus des stars internationales. Elle a accepté de répondre à nos questions sur ses positions de galeriste dans le contexte actuel de l’art.

Elisa Fedeli. Vous êtes installé à Paris depuis 1980. D’abord, vous avez occupé un espace dans le quartier Beaubourg, rue Quincampoix. Puis vous avez rejoint en 2005 le Marais, rue Charlot. Enfin, prochainement, vous ouvrez un nouvel espace entre le Marais et République, rue Léon Jouhaux. Dans ce long parcours, quelles évolutions avez-vous constaté dans la géographie de l’art à Paris? Vous sentez-vous appartenir à une communauté particulière de galeries?
Chantal Crousel. Oui, c’est évident. Chaque métropole travaille à la fois en harmonie et en concurrence avec les autres capitales du marché de l’art. Elle a donc intérêt à ce que les galeries travaillent dans le même sens, tout en conservant leurs spécificités et des rôles complémentaires. J’appartiens au comité de sélection de la FIAC. Je me sens appartenir à ce corps des galeries françaises.
Au sein de la communauté parisienne, je me sens en affinités avec deux types de galeries. D’une part, de par la longue histoire de la galerie, je me sens proche des galeries établies, qui présentent des artistes des années 1980 que j’ai exposés moi-même. D’autre part, je me sens proche des galeries qui défendent des artistes émergents, notre galerie n’ayant cessé d’organiser des premières expositions de jeunes artistes. Notre spécificité est de faire dialoguer des artistes mûrs avec de jeunes artistes, pour faire de la galerie un lieu en perpétuelle évolution.

Quelles seraient les grandes étapes de l’histoire de la galerie? Et comment, à chaque étape, elle s’est repositionnée en fonction de l’évolution du contexte artistique?
Chantal Crousel. Elle ne s’est jamais repositionnée car elle développe depuis le début une même ligne, basée sur l’originalité du langage et la diversité culturelle des artistes.

Y a-t-il des traits communs aux artistes de la galerie? Quelles sont les problématiques qui vous intéressent en particulier?
Chantal Crousel. Nos artistes expriment tous un questionnement sur la société dans laquelle nous vivons. Les thèmes qu’ils partagent sont la vie, l’amour et la mort. Dès le début de la galerie, c’est ce qui m’a intéressé. J’ai exposé Tony Cragg en 1980 et Sophie Calle en 1981. En dehors de ces valeurs essentielles, l’art tombe dans le décoratif. Certains artistes préfèrent éviter les sujets qui font réfléchir et se cantonner au divertissement, ce qui a tout à fait sa place sur le marché mais ne me semble pas le plus intéressant.

Face à la mondialisation, comment réagit la galerie? Compte-elle s’implanter à l’étranger?
Chantal Crousel. Ce n’est pas à nous de réagir. Nous continuons à faire notre travail comme avant. Nous avons un marché très intéressant et nous préférons élargir notre position et nos possibilités de monstration sur Paris. Ceci ne nous empêche pas d’être présent à l’internationale, dans cinq ou six foires.

Quelle est votre opinion sur les polémiques qui agitent actuellement le monde de l’art contemporain à Paris: notamment l’exposition Murakami à Versailles, l’interdiction aux mineurs de l’exposition Larry Clark et la Nuit Blanche?
Chantal Crousel. Tout d’abord, je pense que le travail de Murakami correspond bien à l’esprit de Versailles, lieu de représentation et d’une certaine démonstration décorative. Murakami est un artiste décoratif. Je ne le choisirais pas pour ma galerie, même si il a de très grandes qualités et que je le respecte.
Ensuite, l’interdiction de l’exposition Larry Clark aux mineurs est pour moi un grand pas en arrière. C’est totalement contradictoire de censurer des œuvres qui ont déjà été exposées ailleurs et qui, en plus, s’adressent de façon non ambiguë à ce public. C’est une atteinte grave à la liberté d’expression et surtout à la liberté artistique.
Enfin, la Nuit blanche est une idée magnifique, à condition que les évènements programmés soient de qualité. C’est l’occasion de sortir des lieux réservés à l’art et de s’ouvrir à un large public.

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