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Cérémonial accessoire

Exposition collective de design italien des années 1980, «Cérémonial accessoire» rassemble la production de groupes radicaux et contestataires qui ont vu le jour notamment en Italie après la grande rupture qui marqua le début de l’ère postmoderne.

Sont ici rassemblées des œuvres de designers historiques: Alessandro Mendini (avec le groupe Nuova Alchimia qu’il fonda en 1984), Michele de Lucchi, et Ettore Sottsass. Ce dernier, éminent représentant du design italien, fonda à son tour en 1988 le groupe Metamemphis, dont Marco Zanini fut membre.
Les groupes d’artistes, designers et architectes, comme UFO (créé en 1967), Nuova Alchimia (1984-1986) et Metamemphis (1988-1989) sont à l’image de l’activisme artistique de l’époque: impulsifs et rebelles (presque juvéniles), mais toujours adossés à des manifestes et des théories.

L’exposition rassemble des objets domestiques usuels —lampes, sièges, tables— dont le dénominateur commun pourrait être un goût prononcé pour l’irrationalité.
Le design italien des années 1980 est une réaction souvent violente des artistes contre la tyrannie du fonctionnalisme et de la raison. Influencés par des mouvements comme le punk, le high-tech et le low-tech, le minimalisme et le déconstructivisme, les designers au sein de cette époque hédoniste oscillent entre provocation et décoration. Libérés des contraintes, ils perdent tout sens de la retenue. Leurs objets sont sauvés du ridicule par leur prétention à être traités comme des œuvres d’art.

La Galerie ColletPark propose une exposition de design «anti-design», contestataire, antifonctionnaliste, qui entend précisément dénoncer le design industriel dont le fonctionnalisme apparaît avant tout comme un alibi destiné à faire vendre le produit.

Ainsi Roma, de Marco Zanini, est un fauteuil qui évoque une architecture urbaine. Le but premier du designer n’a manifestement pas été d’y poser son derrière…
Atomaria, d’Alessandro Mendini, est un ensemble de deux lampes garnies de nombreuses petites ampoules qui forment un diptyque évoquant par sa forme stylisée deux plantes artificielles dans leur pot. Éteignez les lumières: cette lampe n’éclaire rien du tout.
L’exposition présente deux vases en céramique: un blanc, élancé et élégant, d’Alessandro Mendini, le poète; et un rose, plus trapu, en forme de phallus, d’Ettore Sottsass, le philosophe.

Plus proches de l’art, sont présentées deux Å“uvres sur toile d’Alessandro Mendini, une peinture, et une sérigraphie. Tandis que le Totem Burma d’Ettorre Sottsass relève de la sculpture, comme Caldare, de Franz West, artiste autrichien qui a collaboré au groupe de design Metamemphis fondé par Ettore Sottsass.
Dans le sillage de la déspécialisation théorisée par Alessandro Mendini en 1985 dans son manifeste d’Alchimia, la transversalité était une marque de fabrique de ce vaste mouvement contestataire qui a secoué le design des années 1980 en Italie.

MGM est une Å“uvre créée par le groupe d’architecture UFO, fondé en 1967, qui revendique une démarche iconoclaste, une pratique conceptuelle associant l’architecture aux autres arts. Il s’agit d’une petite lampe dont les volutes de métal laqué de rose reprennent le symbole de la grande compagnie de production hollywoodienne Metro-Goldwyn-Mayer, mais sans le lion qui est ici remplacé par deux ampoules.
Cette Å“uvre datée de 1979 se réfère au concept de «discontinuité» théorisé en 1978 dans le Manifeste du discontinu. Il s’agit de mettre en relation des faits apparemment éloignés —ici, l’architecture, Hollywood, le design— afin de faire dériver l’emblème d’Hollywood et vers un objet domestique.
Mais cette lampe, dont les deux ampoules éblouissent plus qu’elles n’éclairent, est à l’image des autres œuvres exposées: absolument anti-fonctionnelle, monumentale et purement fictionnelle.

Chaque pièce de l’exposition fonctionne selon le mécanisme du «micro-récit» et raconte l’histoire philosophique de son créateur et du Zeitgeist des années 1980.
Ces objets singuliers d’un autre temps, parfois à la limite du mauvais goût, transforment l’espace de la galerie en une sorte de tabernacle ironique, libérateur et jubilatoire en attente d’un cérémonial non encore ritualisé.

Ettore Sottsass
— Totem Burma, 1994. Céramique polychrome. 50 x 50 x h208 cm.
Twenty Seven, 1989. Métal laqué. 19,5 x 20 x h41 cm.
— Gopuram, 1988. Bois laqué polychrome. 40 x 40 x h40 cm.

Alessandro Mendini
— Astri III, 1993. Peinture acrylique, fibres de verre. 72 x 12 x h105 cm.
Rimata, 1983. Sérigraphie sur toile. 70 x 70 cm.
Quadro, 1983. Peinture sur toile. 120 x 100 cm.
Cipriani, 1981. Bois, métal, miroir. 85 x 50 x h220 cm.
— Atomaria, 1984. Bois laqué polychrome, cuivre plaqué argent. 41 x h188 cm.
Ambra Dolce, 1993. Céramique. 15 x 15 x h61 cm.

Michele de Lucchi
Atlantic, 1981. Bois, vitre, métal laqué. 90 x 60 x h90 cm.

Marco Zanini
Roma, 1986. Fibres de verre, paillettes, peinture. 101 x 90 x h90 cm.

UFO
MGM, 1979. Métal laqué. 100 x 17 x h54 cm.

Franz West
Caldare, 1991. Casserole en bronze, réchaud à gaz, métal laqué. 41 x 48 x h120 cm.

Publications
— Albrecht Bangert, Karl Michael Armer, Design : Les années 80, éd. du Chêne, Paris, 1990.
— Guia Samboret, Alchimia : 1977-1989, Umberto Allemandi & Co, Turin, 1986.
Ettore Sottsass, éd. du Centre Pompidou, Paris, 1994.