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Central Station. Collection Harald Falckenberg

PFlore Poindron
@12 Jan 2008

La deuxième exposition de La Maison Rouge, qui s’est spécialisée dans la présentation de collections privées internationales, est consacrée au collectionneur allemand Harald Falckenberg. Elle réunit un choix de pièces datant des trente dernières années. D’une insolence salutaire, les œuvres exposées privilégient l’ironie et l’iconoclasme aux dépens de toute forme de croyance artistique et de dogmatisme historique et social.

Les artistes présentés dans l’exposition sont le plus souvent allemands ou issus de la scène californienne, sans que la sélection ne relève d’un dosage géopolitique particulier. Les peintures, photocollages, installations, sculptures et vidéos exposés obéissent plutôt à une stratégie de subversion et de charge critique qui confère à l’ensemble une forte homogénéité.

A l’image des tracés aléatoires peints au mur par Franz Ackermann ou de l’immense patchwork photographique de Martin Parr, l’accrochage favorise une déambulation libre et affranchie du commentaire muséal, suggérant de multiples recoupements structurels ou thématiques entre les œuvres.
L’influence du situationniste Guy Debord, que l’on retrouve dans la métaphore de l’errance et de la dérive, donne le ton à une exposition saturée de « formules pour renverser le monde ».

Par un regard caustique sur tel aspect politique, économique ou social de la société contemporaine, ou par une parodie de l’histoire de l’art et de ses sources, des œuvres comme Hanging Michelangelo de l’Atelier van Lieshout présentant une sculpture informe et molle suspendue au mur, désintègrent la notion d’identité et de style par une pratique systématique du détournement.

D’autres recherches se distinguent par un brouillage culturel délibéré et une esthétique de l’impur, comme celles de Jonathan Meese ou Bjarne Melgaard qui mêlent une peinture néo-expressionniste à d’autres emprunts, dans le sillage de Martin Kippenberger, figure dissidente majeure de l’exposition. Affirmant qu’« un artiste qui s’oppose à lui-même garde les meilleures chances de parvenir à un résultat », celui-ci se décrit en « frimeur » et en « prestataire de service » et apparaît en cow boy dans les photographies d Fuchs Albrecht qui tournent en ridicule la mythologie américaine et la ruée vers l’or, autant que la figure romantique de l’artiste, anéantie par celle de la libre entreprise.

Les traits politiques de la collection se manifestent par la dérision, y compris celle de l’artiste à l’égard de son propre engagement.
L’installation d’Anna Oppermann intitulée Ordre aux artistes pour solutionner un problème (problème d’espace) 1978-1984, datant de 2004, est faite d’une juxtaposition de collages, de photographies, de dessins et d’annotations manuscrites. Elle revisite la notion d’actionnisme qui est d’ailleurs décliné sous toutes ses formes dans l’exposition : photographies des performances spectaculaires des « actionnistes viennois » tels Otto Mühl et Gunter Brus fondées sur la transgression des tabous et des valeurs sociales ; dénonciations plus littérales de la guerre du Vietnam, de l’hypocrisie bourgeoise et revendications feministes.

D’autres œuvres proposent une vision plus distanciée de la réalité sociale ou médiatique, soit par une forme de nihilisme désinvolte et ambigu chez Martin Kippenberger, par exemple, soit au travers d’une esthétique de la provocation et du kitsch avec les déchets peints de Mike Kelley (Garbage Drawings, 1988), l’ours en peluche libidineux grandeur nature de Paul McCarthy (Shunks, 1993), ou les Britney de Phil Collins, une série photographique de portraits annotés d’inscriptions pornographiques (2001-2003).
Le burlesque, la parodie, voire l’idiotie, s’inspire de sources aussi diverses que l’iconographie chrétienne, le surréalisme, les mouvements hippie et punk, le folklore, les icônes populaires et tous les signes de culture ou de contre-culture vernaculaire.

Raymond Queneau affirmait volontiers qu’« il n’y a pas que la rigolade dans la vie, il y a aussi l’art ». les choix d’Harald Falckenberg combinent précisément les deux, l’art et la rigolade. Certaines œuvres se confondent ainsi parfois avec un trait d’esprit, un bon mot ou une blague décapante.
Dans la vidéo A Humm de David Zink Yi, des onomatopées oscillant entre babillage et orgasme accompagnent le gros plan d’une main qui trace maladroitement sur une feuille blanche le mot « Humm ». L’allusion est ici faite à l’auto-réflexivité de l’art conceptuel telle que l’ont définie Joseph Kosuth, Sol Le Witt ou Laurence Weiner, elle renvoie aussi à la pratique de la citation chez des artistes tels que Richard Prince ou Sam Durant présentés dans l’exposition.

Les contre-slogans, les pastiches de logos publicitaires, les inscriptions humoristiques et les courts-circuits poétiques sont autant de moyens de critiquer l’action des médias et des structures sociales sur les individus, autant de voies par lequelles elles résistent artistiquement.

Artistes
— Vito Acconci
— Franz Ackermann
— John Cage
— Sophie Calle
— John Chamberlain
— Debord Guy
— Mark Dion
— Sam Durant
— Jimmie Durham
— Marcel Dzama
— Erro
— Öyvind Fahlström
— Peter Fischli
— David Weiss
— Dan Flavin
— Andrea Fraiser
— Gilbert and George
— Graham Gillmore
— Nan Goldin
— Sigmar Polke
— Thomas Hirschhorn
— Christian Jankowski
— Zvika Kantor
— Mike Kelley
— Martin Kippenberger
— Arhur Köpke
— Hendrik Krawen
— Peter Land
— Jean-Jacques Lebel
— Sarah Lucas
— Urs Lüthi
— Paul McCarthy
— Jonathan Meese
— John Miller
— Otto Mühl
— Albert Oehlen
— Anna Oppermann
— Nam June Paik
— Martin Parr
— Lea Asja Pagenkemper
— Richard Prince
— Daniel Phienox Richter
— Martha Rosler
— Dieter Roth
— Ed Ruscha
— Dirk Skrebber
— Rudolf Schwartzkogler
— Andreas Slominski
— Thaddeus Strode
— Ena Swansea
— Wolfgang Tillmans
— Erik Van Lieshout
— Ouattara Watts
— Benjamin Weisman
— Peter Welz
— Petrus Wandrey
— Jane & Louise Wilson
— Emmet Williams
— David Zink Yi

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