ART | CRITIQUE

Céleste Boursier-Mougenot

PPierre Juhasz
@29 Avr 2010

A l’occasion de l’exposition Vinyl, consacrée au disque 33 tours, et à ses liens avec la création artistique depuis une cinquantaine d’années, La Maison rouge présente une création de Céleste Boursier-Mougenot.

Avant de pénétrer l’espace de Transcom 1, une œuvre de l’artiste crée une introduction et donne la mesure de son œuvre: deux socles sont surmontés d’une platine tourne-disque sur laquelle tourne en boucle le plateau, indéfiniment. Le bras du tourne-disque n’avance pas. Un ensemble est noir, l’autre est blanc, comme un écho, en négatif. Sur le mur, deux toiles laissent à peine deviner en filigrane le motif circulaire qui s’y inscrit. Le son à peine amplifié du saphir qui égratigne la surface produit une discrète musique, là encore en écho. Musique noire et musique blanche, dans cette installation hors solfège, une blanche ne vaut pas deux noires.

Musicien de formation, Céleste Boursier-Mougenot explore depuis une douzaine d’années le territoire qui s’étend entre musique et arts plastiques, entre concert et performance, entre espace sonore et installation, entre spectacle vivant et exposition.
Ses dispositifs sans partition préalable engendrent la production sonore, nous pourrions dire in vivo, mêlant tout une part visuelle à la création musicale. On se souvient de la musique provenant de l’entrechoquement de bols en porcelaine dans une piscine gonflable (Sans titre) ou bien provenant des oiseaux se posant sur les cordes de guitares amplifiées (From here to ear).

Transcom 1
, créé pour La Maison rouge, est un espace vide plongé dans la pénombre, délimité par une succession de pans de miroirs et de pans de murs noirs, au centre duquel flottent en lévitation deux grands ballons blancs gonflés à l’hélium, et bercés lentement par le souffle de trois puissants ventilateurs posés au sol.
Des images se projettent dessus et le visiteur, à sa grande surprise, voit sa propre image parfois sur les ballons. Des caméras sont fixées sur les ballons et filment l’environnement, soit les murs et les reflets dans les miroirs, visiteurs y compris, et les images sont projetées par quatre vidéoprojecteurs en direction des ballons. Régulièrement, le son parasite l’image qui se met à grésiller avant de se rétablir.
En fait, l’emplacement des ballons dans l’espace — emplacement imprévisible — détermine les images captées qui elle-même détermine le son. Un programme informatique transforme le son en fonction du flux des images. Le son, la musique produite, revient à entendre «le bruit des images», dans une chorégraphie aléatoire qui dépend des déplacements d’air, de la température en fonction du nombre des visiteurs, du déplacement des visiteurs. Toute l’installation, autant que le parasitage des images — ce parasitage où le son traverse l’image en une sorte de larsen —, invitent à la rêverie, invitent à penser à une cosmologie, notamment, invitent penser à ces images et à ces sons transmis par satellites, brouillés parfois par la distance ou par les interférences.
Or cette rêverie à l’échelle du monde et de l’univers est produite par une mise en abyme au sein d’un espace clos, où les images et où les sons s’engendrent mutuellement, où elles naissent avec la présence des visiteurs, où domine presque un aspect tautologique. Le ici et maintenant de l’événement est mis en boucle et c’est ce processus qui nous entraîne à écouter comme les bruits grésillants de l’univers.

L’œuvre est forte. Elle ouvre un monde poétique où, ballon contre ballon, interfèrent la sphère du son et la sphère des images, un monde en lévitation, porté au gré des vents, un monde nourri de reflets, baigné de pénombre, nourri de mise en abyme, un monde où l’image se convertit en son, pendant que le son, par la présence vivante des visiteurs, devient image.

Liste des Å“uvres
— Celeste Boursier Mougenot, Transcom 1, 2010. Installation In Situ.
— Céleste Boursier-Mougenot, No Vynil Anymore, 2009. Platine disque sur socle, plâtre dentaire, échelle 1

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