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Cassandre n°50 : l’âge ingrat du numérique

Quels rapports entretient l’art avec le numérique ? Quelles sont les nouvelles pratiques artistiques en lien avec les technologies actuelles ? Cassandre, revue des arts et de la société, fait le point sur la question avec force analyses, entretiens et propos de praticiens et de théoriciens.

— Directeur de la publication : Nicolas Roméas
— Parution : novembre-décembre 2002
— Format : 30,50 x 24 cm
— Illustrations : quelques, en noir et blanc
— Page(s) : 59
— Langue(s) : français
— Prix : 5 €

Éditorial
par Nicolas Roméas

D’accord nous passons le plus clair de notre temps devant nos écrans. Pour écrire, diffuser, recevoir des informations, animer notre site, pour faire cette revue. Depuis nos débuts, nous n’avons jamais boudé les moyens de communication qui permettent de faire circuler textes et idées en temps réels, pour multiplier la visibilité d’actions que la grande presse ne prend en compte — en les vidant de toute réflexion politique — que pour en faire des phénomènes de mode délicieusement provocateurs ciblant une clientèle « bobo ».

Mais en ce qui concerne les pratiques de l’art, notre premier désir c’est de les vivre avec des vivants pour reprendre conscience de notre appartenance au groupe humain. De les soustraire au phénomène général de reification et donc de consommation, qui touche jusqu’aux démarches les plus immatérielles.
Alors bien sûr, l’art numérique, le net-art, les « nouvelles technologies », qu’est-ce que ça peut bien être aujourd’hui pour nous, en dehors d’un créneau porteur pour quelques avisés gestionnaires de la culture ou, pour ce qui est des arts vivants d’un gadget de plus parodiant l’interactivité en nous éloignant davantage d’un vrai échange ?
Allez, n’exagérons pas, ça peut aussi être autre choses. Un outil polyvalent, économique, qui permet aux plus créatifs, comme ®™ark, de poursuivre, par l’intrusion inopinée dans le réel, une démarche politique entre néodada et situationnisme, une forme de « sabotage » éclairé et intelligent. C’est aussi, évidemment, une façon très efficace de faire vivre un réseau. Mais les effets pervers — ici non plus — ne manquent pas. Et l’on peut se demander si cette technique très en pointe de gestion de réseaux ne crée pas de nouveaux ghettos.

Ça peut sans doute être — pour quelques uns — comme ce fut souvent le cas dans notre histoire artistique, un nouveau terrain à subvertir, pour réintroduire de la contradiction entre la froideur du médium et l’urgence de l’échange, y réaffirmer paradoxalement un besoin de relations plus profondes. Mais, comme chaque fois que ça s’invente en temps réel sous nos yeux, la chose est complexe et difficile à analyser. Avançons donc prudemment sur ce terrain mouvant, miné, encombré de notions trop vite acceptées, mais ambiguës et déceptives (l’« interactivité », l’élargissement de la notion d’auteur) et tâchons d’y distinguer les démarches sincères qui surnagent dans un océan d’impostures très tendance.

(Texte publié avec l’aimable autorisation de Nicolas Roméas)