PHOTO

Cassandre Horschamp n°82. L art en procès

L’imaginaire serait-il devenu hautement suspect dans une civilisation obsédée par le rationalisme, au point de refuser à l’humain sa part de rêve comme sa part d’ombre?

Information

  • @2010
  • 21 268 0478
  • \9€
  • E99
  • Zoui
  • 4français
  • }157 L - 216 H

Présentation
Valérie de Saint-Do, Gilles Perret, Thomas Hahn, Faustin Linyekula, Myriam Bloedé, Marie Limpatiente,…
Cassandre Horschamp n°82. L’art en procès

Extrait de l’éditorial, par Valérie de Saint-Do
[…] Aux rengaines éculées d’un populisme (renforcé par la désastreuse loi Hadopi!) qui ne voit dans le soutien public à l’art d’aujourd’hui que gaspillage, et aux mantras des libéraux soucieux de démanteler le service public de la culture, viennent s’ajouter des voix aux arguments mieux affûtés.

Celles de militants pour lesquels, sur fond de grave crise économique, politique et sociale, le statut d’artiste […] devient trop souvent le cache-sexe des privilèges, tandis que la culture se mue en divertissement des puissants et en alibi de la gentryfication des villes.

Celles de penseurs, surtout, qui critiquent –non sans faire mouche parfois– le tout-culturel devenu un système de consommation, voire une arme de dépolitisation […] 

Nous n’ignorons pas que ce sont parfois les défenseurs les plus farouches d’un art refusant d’emprunter les sentiers qu’on lui prépare qu’inquiète une culture d’État toujours suspecte de devenir officielle.

Ainsi, l’écrivain Annie Le Brun, dont la plume incisive et belle dépeint sans concession une époque obsédée par le rendement et la norme, où les abîmes et les fulgurances de l’imaginaire sont devenus suspects, dénonce une culture instrumentalisée pour la domestication des esprits. «Mais ce sont les artistes qui prennent en charge la culture: sans eux, pas d’émancipation humaine, ni même de possibilité d’existence d’une pensée politique», répond la philosophe Marie-José Mondzain.

L’imaginaire serait-il devenu hautement suspect dans une civilisation obsédée par le rationalisme, au point de refuser à l’humain sa part de rêve comme sa part d’ombre? 

Devrions-nous laisser aux marchands de temps de cerveau disponible le soin de «réenchanter le monde» avec leurs lamentables simulacres et rêves de pacotille, au nom d’un austère réalisme politique et économique devenu «tyrannie de la réalité»? «Surtout pas!», prévient un autre penseur engagé, Yves Citton, pour lequel un autre monde ne sera possible que si artistes et politiques consentent à le rêver et le raconter.

À se réapproprier une part d’utopie, à s’emparer de la fiction, à se raconter de –belles– histoires. 
À nous rappeler que, depuis Lascaux, les questions de survie cruciales n’ont jamais éloigné l’homme de la nécessité du symbolique[…] 

Ce sont ces voix et voies de traverses, célèbres ou discrètes, hors champ, que nous donnons à voir et à entendre dans ce numéro, d’Ernest Breleur à Gérard Garouste, de Thomas Hirschhorn et Manuel Joseph à Denis Tricot, de Gilles Perret à Faustin Linyekula, comme la meilleure réponse aux procureurs.

La parole est à la défense!