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Cassandre 65. L’art en banlieues. Contre-feux.

Les banlieues: ces «zones sensibles» dit un langage formaté par une certaine politique. Échafauder une véritable critique de ce conditionnement des esprits mène à reconnaître la valeur des langages artistiques issus de ces quartiers. Plus qu’une démarche urgente, c’est une nécessité impérieuse que Cassandre met à plat: celle d’éviter la relégation à la marge de tout ce qui ne rentre pas dans une logique de production.

— Auteur : Collectif
— Éditeur : Cassandre/Hors-Champ, Paris
— Année : 2006
— Format : 22 x 28 cm
— Illustration : Noir et blanc
— Pages : 80 pages
— Langues : Français
— ISSN : 1-268-0478
— Prix : 8 €

Présentation
Deux catégories qui minent d’entrée de jeu le débat. Il semblerait presque que l’art soit un remède à avaler. La banlieue, une sorte de corps malade qu’il faudrait guérir. On voudrait agir culturellement sur un espace urbain considéré comme inculte, sauvage, hostile.

La plupart du temps, on fait mine de croire que le phénomène artistique prend ses racines dans une histoire sociale strictement européenne. Et on joue à importer des valeurs. Le vieux démon colonial n’est pas loin. L’artiste est trop souvent pris pour un missionnaire ou un éducateur «IIIe République», porteur de bonne parole, médiateur au grand cœur, garant de l’ordre et de la justice sur terre. Pourquoi les communautés européennes et non européennes habitant les zones dites sensibles, ne seraient-elles pas porteuses de culture, de gestes, de traditions culturelles fortes, décisives au regard de la construction d’un art qui dépasserait les conflits identitaires, la juxtaposition de folklores étiquetables, localisables (et par là, utilisables et exploitables). Suffit-il en effet de jeter un regard de «tolérance» sur des techniques et des plastiques extra-occidentales pour les faire participer de ce que nous considérons comme le «grand art»? oui, les banlieues sont bien perçues à l’image de nos anciennes colonies.

D’emblée, les euphémismes et litotes nous piègent. On parle de «quartiers» en faisant mine d’ignorer que Saint-Germain-des-Prés en est un aussi; on cite les banlieues comme des lieux indifférenciés. Chacun sait fort bien que sont visés dans ces abus de langage des quartiers cumulant taux de chômage explosif, urbanisme concentrationnaire et populations d’origine étrangère.

Aujourd’hui que l’occupation des territoires n’est plus de mise, on a rapproché des populations exotiques de la métropole pour les faire travailler à moindre coût. Ce rapprochement a-t-il modifié les mentalités racistes, les regards généralisateurs, les velléités de puissance? Rien de moins sûr. Un Arabe reste un Arabe. Et on le traite comme on a traité ses aï;eux. Avec le mépris requis. Plus hypocritement aussi. Pour ne pas paraître réactionnaire.

On ne fait pas trop bien la différence entre amener des «jeunes défavorisés» au bord de la mer ou les faire jouer dans une pièce de théâtre. On divertit pour faire oublier le mal-vivre quotidien, apartheid qui

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Hors-Champs — Tous droits réservés)

English translation : Nicola Taylor