ART | CRITIQUE

Caractères mobiles

PIsabelle Soubaigné
@01 Oct 2008

Modularité et permutation sont les axes du travail de Pedro Reyes, autant que la volonté de tisser des liens entre l’espace physique de la galerie et l’espace social.

Une structure en cordage plastique de couleur, Biombo, nous fait face dès l’entrée. Des rectangles et des carrés tissés se juxtaposent. Tantôt en relief, tantôt en creux, ces étranges figures géométriques se transforment en pièges cinétiques.

Est-ce ici une manière pour Pedro Reyes d’emprisonner le spectateur dans son œuvre ? Ces toiles d’araignées nous capturent dans le lieu. Cet écran ajouré occulte notre vision mais nous oblige à passer outre, attirés par les mouvements des personnes qui se faufilent derrière. Grâce à ces modules, l’artiste tente de rendre plus palpable l’invisibilité des relation  s humaines. Par ce jeu de caché/révélé, Pedro Reyes établit des connections entre les individus.

Plus loin, constituée dans le même matériau vinylique, une nouvelle Capula  est suspendue. Cette sculpture pénétrable, inspirée de forme minérale, présente une large ouverture. Espace dédié à la lecture, lecture de soi mais aussi peut-être lecture de l’autre, ce cocon permet à la fois de s’isoler et d’observer ce qui se passe tout autour. L’artiste crée un point de contact entre les gens et avec le lieu.
En entrant dans cette capsule en lévitation, nous pénétrons au cœur de l’œuvre et nous participons à son existence propre en la faisant vivre et en l’occupant de notre présence.

Tout à côté, posé sur un socle blanc, Ambigram VII affiche deux mots contradictoires. En entrant dans la pièce on peut lire le mot «Doubt», mais en sortant, c’est «Faith» qui apparaît.
Pedro Reyes implique une nouvelle fois le visiteur. Ses déplacements et   son point de vue sont déterminants. L’œuvre ne se dévoile que sous ses yeux du et par son intervention indirecte. L’exposition devient alors un environnement à parcourir sur lequel il semble possible d’interagir.

Cet univers s’ouvre sur d’autres horizons et un nouveau déplacement s’opère. L’artiste expose des affiches imprimées au Mexique. Présentées au mur, elles semblent sortir des coins de la salle et se diffuser dans le lieu. Ces productions créées par des lycéens durant un programme visant à réduire la pauvreté en Amérique latine côtoient ici le milieu de l’art. Elles changent de statut et abandonnent leur fonctionnalité au profit d’une possible contemplation sans enjeu.

Des bribes de phrases nous interpellent. «If only and only if» pourrait résumer à elle seule l’intention de Pedro Reyes : mettre en tension d’hypothétiques rencontres entre les gens et les lieux pour créer une œuvre à l’échelle d’espaces qui restent à déterminer ensemble.

Pedro Reyes
— Biombo, 2008. Structure en cordage plastique. Dimensions variables.
— Ambigram VII, 2008. Installation. Dimensions variables.
— Capula, 2008. Structure. Dimensions variables.

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