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Candice Breitz

09 Fév - 15 Juin 2008

Sur la scène artistique contemporaine, Candice Breitz apparaît comme un véritable symptôme de notre époque. Représentatif de la génération Postproduction, son travail surprend par une utilisation radicale des nouvelles technologies.

Communiqué de presse
Candice Breitz

À l’instar d’autres artistes de renommée internationale arrivés sur le devant de la scène artistique dans les années 90 – Philippe Parreno, Douglas Gordon, Pierre Huyghe, Christian Marclay, Francesco Vezzoli –, Candice Breitz utilise le sampling, le cut up, le détournement, le piratage comme autant de nouveaux mediums de création.

Née en Afrique du sud, pays où la télévision se développe en même temps qu’apparaissent dans les foyers les premiers magnétoscopes – permettant tout à la fois l’enregistrement des programmes et leur visionnage en dehors des contraintes imposées par les médias de masse (temporalité, contrôle, censure…) –, Candice Breitz oriente très vite son travail sur le potentiel émancipateur qu’offrent ces nouvelles technologies. Refusant la posture d’un consommateur passif d’images formatées, elle sélectionne, prélève, découpe, détourne pour recomposer son propre scénario.

Les oeuvres qui en résultent ont ainsi en commun aussi bien leur fascination pour les images produites par les médias demasse — publicités de magazines, clips musicaux, soap opéras, films hollywoodiens — qu’un certain recul critique à leur égard. Car si la culture globale est bien au centre du travail de l’artiste, il ne s’agit en rien d’une mystification béate, mais bien de la création d’une nouvelle relation entre le spectateur et ces images, plus complexe et critique que celle induite par leur réseau de diffusion traditionnel.

Mother + Father, 2005, présentée à la Biennale de Venise 2005 et primée à Monaco en 2007 se compose ainsi de deux installations distinctes, consistant chacune en 6 vidéos projetées sur autant d’écrans. Dans une salle, Mother met en scène Faye Dunaway, Susan Sarandon, Meryl Streep, Diane Keaton, Julia Roberts, Shirley MacLaine.

Dans l’autre salle, Father met en scène Tony Danza, Dustin Hoffman, Harvey Keitel, Steve Martin, Donald Sutherland, Jon Voight. Tous ont été extraits de leurs films originaux grâce au numérique, détourés, replacés sur un fond noir, et deviennent les nouveaux protagonistes d’un échange de phrase mutuel orchestré par l’artiste. Issus de films hollywoodiens tous centrés sur les rapports familiaux — dramatiques comme Kramer vs Kramer ou plus légers comme Father of the Bridge — ils représentent dès lors autant de stéréotypes de la maternité et de la paternité.

Les séquences proposées par l’artiste sont si troublantes de simplicité — les larmes, les pleurs, sont associées à la peine et au désespoir, les sourires à la joie — qu’elles font des acteurs auxquels nous nous sommes attachés au fil des films qu’ils ont défendus, les instruments de leur propre critique. De même que dans Becoming, 2003, sorte de Janus hypertechnologique où des écrans projettent sur une face des séquences elles aussi issues de films ou de soap operas (on y voit par exemple Julia Roberts, Jennifer Lopez…) alors que sur l’autre face Candice Breitz se met elle-même en scène.
Elle y mime avec une précision déconcertante les jeux d’actrice, de la gestuelle aux tics, révélant ainsi les failles, les artifices qu’elles portent en elles.

Derrière cette critique du langage médiatique c’est aussi et bien sûr du spectateur qu’il est question, du danger de son aliénation, mais aussi de sa capacité à se réapproprier les images qu’on lui propose. L’effort produit par Candice Breitz pour ressembler à Meg Ryan ou Cameron Diaz, telle une fan démente, témoigne d’un désir d’identification extrême très largement répandu dans la société actuelle. Que dire aussi des groupies sélectionnées par l’artiste pour Queen, (A Portrait of Madonna) , 2005, qui acceptent d’interpréter avec une ferveur non dissimulée l’intégralité de The Immaculate Collection, première grande compilation des meilleurs titres de Madonna. L’installation qui en résulte, faite de 30 écrans diffusant chacun de façon simultanée la performance d’un fan, crée une sorte de chorale postmoderne au sein de laquelle tous semblent voués à la cause pop de la star adorée, qui semble finalement n’exister qu’à travers eux.

L’ensemble, à la fois merveilleux et inquiétant, est si monumental qu’il nous submerge d’un sentiment étrange, comme si nous nous y retrouvions nous-mêmes… Le procédé sera repris dans King (A Portrait of Michael Jakson), 2005 ou Working Class Hero (A Portrait of John Lennon), 2006, oeuvres présentées elles aussi dans l’exposition avignonnaise.

De même que dans ses toutes dernières oeuvres, les gigantesques photographies de la série Monument, 2007, où des dizaines de fans se sont habillés — le temps d’un portrait de famille — à l’effigie de la même star, du même groupe de musique (Abba, Iron Maiden, Marilyn Manson, Greateful Dead ou Britney Spears), l’artiste nous pose de façon drôle et violente la question suivante : qui sommes-nous et comment devenons-nous ce que nous sommes ? Est-ce grâce à nos parents, à notre éducation, à notre expérience personnelle, ou aux médias de masse ? Nous laissant par la même la possibilité d’un choix.

Au-delà du potentiel critique qu’elles génèrent, les oeuvres de Candice Breitz donnent en effet au spectateur les clefs d’un nouveau savoir et par la même le pouvoir de repenser sa façon d’être au monde. Car si les dispositifs qu’elle crée rivalisent tous de complexité, d’ingéniosité technologique, ils ont en commun de placer le spectateur au centre d’une proposition aussi claire que séduisante : se réapproprier le monde médiatique, le façonner à son idée.

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