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Ça raconte quoi ?

PMuriel Denet
@12 Jan 2008

Ça raconte quoi ? La condition urbaine contemporaine : des vies grises, et soumises, dans des villes défaites. L’anonymat, l’isolement, l’ennui et la peur.

Ça raconte quoi ? Des vies grises, et soumises, dans des villes défaites. L’anonymat, l’isolement, l’ennui et la peur.

Botto & Bruno exhibent cette condition urbaine contemporaine dans de grands photomontages dont l’emphase frise le kitsch. Facture ostensiblement manuelle et distorsions de couleurs ne sont pas sans rappeler les productions psychédéliques des années soixante-dix. Des jeunes gens sans visage y peuplent sans raison des lieux désaffectés, crasseux, et sans perspective, anéantis dans une lumière froide que plombe un ciel lourd couleur sang. Ici pas de transport hallucinogène vers un ailleurs merveilleux, l’errance reste désespérément emprisonnée.

Qu’advient-il de l’individu dans la foule? Une nuque parmi d’autres, que l’aquarelle détrempée de Koka Ramishvili noie dans un flou insaisissable. Une foule de nuques, éparpillées, et sans lien apparent, sinon cette pure co-présence, et une sourde pulsion sexuelle, suggérée crûment par un sexe féminin dénudé, et rose, entre les bas résille, et, à quelques images de là, les jambes d’un homme, à l’arrêt.

Les petites toiles de Stelvio Gambetti disent encore cet isolement. Les couleurs rabattues et ternes y transforment le bleu du ciel en métaphore du néant. Des personnages vus de dos se perdent dans cette vacuité vertigineuse, ou ses substituts publicitaires, dans une ville compartimentée, contingentée, où, ça et là, s’immiscent les graffiti d’une rébellion muette.

Restent l’insouciance des enfants, et leur heureuse vitalité. Les enfants fictifs des grandes toiles de Katrin Roeber, qui reconfigurent la ville en un monde coloré, et fantasmatique. Et ceux, bien réels, producteurs effrénés de leurs propres fictions, des petites vidéos de l’installation de Catherine Melin.
Cadrés serrés avec une longue focale qui les extirpent du monde, comme eux-mêmes s’en échappent par le jeu, ils évoluent dans un décor de métropole post-industrielle. Terrains en friche, usines désaffectées, terrils à l’abandon, chantiers inachevés, autant de franges, et d’interstices urbains, abandonnés à l’occupation obstinée de ces enfants du nord de la France.
Sous les graffiti géants qui disent la peur des habitants de ce pays, se réinventent les équilibres, et les conquêtes, du possible. Des sabres, de polystyrène blanc, s’envolent dans des combats d’une légèreté rêvée, pendant que des géomètres sans âge tracent de nouvelles limites, dans une ville où plus rien ne distingue les chantiers des ruines.

Botto & Bruno
— Without you I’m nothing, 2000. VHS. 6 mn.
— Those Kids are looking, 2001. Impression Vutek sur PVC.
— Think of my future I, 2001. Impression Vutek sur PVC.
— Think of my future II, 2001. Impression Vutek sur PVC.

Stelvio Gambetti
— Sans-titre, 1997 à 1998. Huile sur isorel. 8 pièces.

Catherine Melin
— Crayon graphite sur papier, 2002.
— Séquences vidéo, 2001-2002. VHS. 10 mn 60 s.
— Séquences vidéo, 2002. VHS. 7 mn 50 s.
— Dessin mural, 2002. Fusain.

Koka Ramishvili
— Histoires de Kaspar Hauser, 2001-2002. Installation, aquarelle, papier contrecollé sur aluminium. 25 pièces.

Katrin Roeber
— Singerie I, 2000. Acrylique sur toile.
— Singerie II, 2000. Acrylique sur toile.
— Singerie III, 2000. Acrylique sur toile.
— Janus, 2000. Technique mixte sur toile.
— Heinrich Heine, 2000. Technique mixte sur toile.

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