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Business Class

Aux murs, des collages présentent des hommes d’affaires tels que les États-Unis des années 50 les forgèrent: sourire carnassier, tenue impeccable, imper et feutre de rigueur. En arrière-plan, les symboles flamboyants du rêve américain, sur fond cinétique de points noirs et blancs, décors de carton-pâte prêts à accueillir toutes les projections imaginaires. Des inscriptions laconiques, Wall Street Analyst, Bull Market, Stock-Option, renforcent les portraits.
Répondent à ces parangons masculins de réussite sociale les archétypes de la femme de l’époque: celle-ci, ménagère accomplie, pose près de gazinières dédaigneusement nommées Wifesaver.

Les visages et les silhouettes, impersonnels, ont été découpés et remplacés par des miroirs, et renvoient l’image du spectateur dans un jeu de va et vient entre l’idéal exhibé et le fantasme introjecté. La puissance de ces canons est ainsi démontrée: présentée en France, cette exposition mettant en exergue le fantasme du rêve américain trouve tout de même résonnance.

Ces images resteraient cantonnées à des représentations archétypales si elles n’étaient pas accompagnées de la vidéo de l’installation Please Be Seated, créée pour le Getty Museum, à Los Angeles.
Les spectateurs sont invités à s’asseoir sur une reproduction incolore d’un fauteuil type Louis XVI, tels ceux présents dans les collections du musée. Leur image est alors projetée dans une reconstitution d’un décor versaillais. Des individus s’y succèdent, images mouvantes coexistant en surimpression avec le mobilier.

Spectateurs de leur propre fantasme conscient ou inconscient, ils se figent ou s’agitent. Confrontés à leurs chimères, ils deviennent fantômes, en transition dans un monde d’entre-deux. Cette incursion dans l’imaginaire à la fois collectif et intime a de quoi rendre nerveux.
La seconde partie de la vidéo confronte, grâce au même système de superposition transparente de deux images, des rappeurs et des intérieurs de châteaux.

Cette œuvre met en lumière la puissance des fantasmes par lesquels les individus finissent par adopter les représentations sociales normées. Nicole Cohen crée ici une véritable image-cristal, au sens deleuzien du terme. L’image-cristal se situe dans un renvoi incessant entre l’image actuelle et l’image virtuelle. L’image virtuelle s’ajoutant à l’image actuelle opère une indiscernabilité entre l’actuel et la mémoire, entre le passé et le présent. Tel est le cas de Please Be Seated.

Dans la vidéo Yard, des halos de lumière en mouvement, une route rendue floue et brillante par la pluie, envahissent l’espace de scintillements éphémères. Aussi véloce et fugace que peut l’être la recherche de la réussite sociale, Yard, qui signifie un milliard de dollars en anglais argotique, est l’œuvre parfaite pour clore le cycle des fantasmes de Nicole Cohen… une fuite vers l’avant.

Liste des œuvres
Nicole Cohen

— Nicole Cohen, Wifesaver, 2009. Collage. 13 x 29 cm.
— Nicole Cohen, Pillows, 2009. Collage. 20 x 29 cm.
— Nicole Cohen, Silver Lining, 2009. Collage. 19 x 24 cm.
— Nicole Cohen, You Can Do It, 2009. Collage. 20 x 29 cm.
— Nicole Cohen, Bed Time Story, 2009. Collage. 23 x 19 cm.
— Nicole Cohen, Stewardess, 2009. Collage. 23 x 20 cm.
— Nicole Cohen, Dinner Time, 2009. Collage. 21 x 23 cm.
— Nicole Cohen, Money, 2009. Collage. 17,5 x 24,5 cm.
— Nicole Cohen, Individualisten, 2009. Collage. 21 x 29 cm.
— Nicole Cohen, Single Women 1,2,3,4,5, 2009. Collage. 30 x 40 cm.
— Nicole Cohen, Games, 2009. Collage. 29 x 21 cm.
— Nicole Cohen, Business Class Collage, 2009. Collage. 29 x 21 cm.
— Nicole Cohen, Business Class, 2009. Collage. 40 x 50 cm.
— Nicole Cohen, Yard, 2009. Vidéo. 6 mn.
— Nicole Cohen, Please Be Seated, 2009. Vidéo