ART | EXPO

Burlesques contemporains

07 Juin - 11 Sep 2005
Vernissage le 06 Juin 2005

Qu’est ce que le burlesque en art ? Le comique de geste dont le corps est le principal acteur et/ou le renversement d’un acte. La plupart des oeuvres exposées engage un rapport à l’action, à l’accident, à la suspension dans le temps. Les oeuvres, tous supports et médiums confondus, s’enchaînent de manière accidentelle.

Allora & Calzadilla, Francis Alÿs, Bas Jan Ader, Dennis Adams, Kim Adams, Stéphane Bérard, Anna & Bernard Blume, Olaf Breuning, Gilles Barbier, Claude Closky, Alain Della Negra, Wim Delvoye, Anne de Sterk, Eric Duyckaerts, Richard Fauguet, Peter Fischli & David Weiss, Massimo Furlan, Gilbert & George, Rodney Graham, Richard Jackson, Martin Kersels, Jacques Lizène, Saverio Lucariello, Gordon Matta-Clark, Hikaru Miyakawa, Hiroharu Mori, Laurent Malone, Jonathan Monk, Gianni Motti, Pierre Malphettes, Philippe Ramette, Dennis Oppenheim, Roman Signer, Peter Sinclair & Hovagimyan, Mickaël Smith, Veit Stratmann …
Burlesques contemporains

« L’exposition « Burlesques contemporains » trouve son point d’origine dans la publication d’un numéro spécial d’art press intitulé Le « urlesque, une aventure moderne». Cet ouvrage collectif, daté d’octobre 2003 et co-dirigé par Christophe Kihm et Patrice Blouin, se proposait d’engager une réflexion à la croisée des arts plastiques, de la littérature et du cinéma, sur une notion finalement assez peu identifiée par l’esthétique, comme le sont d’ailleurs la plupart des formes d’expressions comiques : le burlesque.

À l’horizon de ce travail collectif s’est ainsi précisée l’identification de pratiques qui ne recoupaient ni les contours d’un genre, ni la définition d’une catégorie générale de la représentation ou d’un style. Elle permettait de valider l’hypothèse d’un burlesque détaché d’un médium particulier (que l’on assimilerait immédiatement au cinéma muet), et qui ne soit pas une alternative au réalisme ou une forme de discours située quelque part entre la parodie et l’ironie. Cette perspective permettait par contre de réunir, sous le terme «burlesque», aussi bien des événements de la vie courante que des phénomènes liés à la pratique du sport et encore, bien évidemment, des expériences artistiques, quel que soit le médium ou la discipline auxquels on pouvait les rattacher (musique, cinéma, littérature, arts plastiques, etc.). C’est pourquoi, dans cette publication, une large place était réservée à des œuvres, à des artistes, dans les domaines de la performance, de l’installation, de la photographie, de la sculpture, de la peinture…

Il convient de préciser, cependant, comment cette communauté d’œuvres fut réunie sous le terme burlesque, et comment elle permit d’organiser la présence et l’articulation d’un choix de travaux d’artistes dans l’espace du Jeu de paume.

Au plus immédiat, il est important de rattacher cette communauté aux trois mots qui qualifient le plus largement le burlesque : un « comique de geste ». Cette restriction, dans le domaine de l’expression, souligne immédiatement l’engagement du corps et de sa représentation dans la définition du burlesque, plus que celle du langage. Plus précisément, encore, l’invention de techniques du corps plus que celle de tours linguistiques, ces dernières étant elles-mêmes soumises à l’observance d’un procédé général : le renversement. Est donc burlesque un corps qui opère une inversion des lois de la gravité et de la pesanteur, de la compétence et de l’incompétence, du fort et du faible, du coup et de l’esquive, du mécanique et de l’humain, etc.

Mais le burlesque en art ne se restreint pas à ces techniques, car le procédé général de renversement s’y applique à des corps dans la mesure où ces derniers sont le support d’actes ou d’actions. C’est dans le renversement de l’acte ou de l’action que se joue, en premier lieu, la présence du burlesque dans une œuvre. Toutes les œuvres présentes dans l’exposition du Jeu de paume engagent donc ce rapport spécifique à l’action. La plupart d’entre elles figurent ou mettent en scène un ou des actes, en leur appliquant un procédé de renversement qui interrompt, perturbe, ralentit ou augmente leur procès. Ainsi, l’action s’y résout-elle, le plus souvent, dans des accidents, des catastrophes, des suspensions du temps.

Beaucoup de ces actions sont mises en boucle, et la reprise et la répétition d’un acte ou d’un geste semblent, en propre, appartenir aux techniques d’un burlesque artistique. L’exposition tire partie de cette première technique, particulièrement présente à travers des vidéos (Vexation Island de Rodney Graham), des personnages automates (Attempt to Raise Hell de Dennis Oppenheim), ou des corps mécaniques (Singing Sculpture de Gilbert and George).

L’exploration de « gestes temporels » s’y poursuit à travers la division de l’espace central de l’exposition en deux parties symétriques : y sont présentées, en miroir, deux œuvres par artiste, selon qu’elles ralentissent ou accélèrent le procès temporel d’une action. Les « Vexations » et leur suspension de l’action dans le temps (punitions, exercices laborieux, procès temporels infinis) y répondent donc aux « Accidents » et au terme brutal qu’ils fixent à l’action (explosions, chutes, catastrophes, etc.). Dans un troisième espace, sont réunies différentes propositions qui, reprenant cette dialectique propre à l’amplification du temps, la matérialisent à travers des parcours et des trajets dans l’espace (Accident in Abstract Painting de Richard Jackson y côtoie Der Lauf der Dinge de Fischli Weiss…). Dans une dernière salle, est enfin réunie une sélection de vidéos qui ont pour trait commun d’expérimenter les modalités de production de l’action : lorsqu’un acte inutile est qualifié par sa propre emphase, ou, au contraire, lorsqu’un acte nécessaire est contredit par ses conditions de production, s’affirme avec le burlesque un certain héroïsme, déterminé par la résistance de l’acte au monde dans lequel il se déploie. Un programme de performance viendra compléter cette sélection d’œuvres.

Le découpage opéré par la répartition des œuvres dans l’espace du Jeu de paume ne répond à aucune volonté thématique, puisqu’il tente de réunir des techniques et des procédés communs, dans la mesure où ils s’appliquent à des objets différents. Il souhaite au contraire mettre en circulation, sur un mode accidentel, un jeu d’enchaînements et de ruptures entre les différentes œuvres réunies». Christophe Kihm

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