ART | EXPO

Buée sur Baie

04 Mai - 24 Mai 2017

Dans l’exposition « Buée sur Baie », les objets ne sont plus là pour nous servir. Ils deviennent gratuits, inutiles, poétiques, tout en gardant la marque de la main de l’homme (et de l’artiste) qui les aura fabriqués.

Usuels, vernaculaires, compagnons du quotidien, les objets cristallisent nos habitudes de consommation, et trahissent les mécanismes qui régissent nos vies. Dans « Buée sur Baie », les objets ne sont pourtant plus là pour nous servir : ils perdent leur fonction initiale (nous aider, nous « augmenter »), et deviennent gratuits, inutiles, poétiques, tout en gardant la marque de la main de l’homme (et de l’artiste) qui les aura fabriqués.

Reconsidérer les formes familières

« Buée sur Baie » se joue de notre œil et nous invite à reconsidérer ces ustensiles et formes familières (chaises, tapis, écrans, tasses, etc.) qui auront été retravaillés par les artistes. Ainsi, ce coin de salle sera tout à la fois brasserie, atelier de poterie, d’origami ou de taille de bois. Cette autre chaise aux lanières flexibles ne sera jamais assez solide pour nous soutenir. Et ce pan de robe irisé n’aura, lui, jamais la souplesse pour nous recouvrir. C’est ce décalage entre nos habitus et ces objets, désormais autonomes, qui nous gêne et nous ravit – tout comme la buée qui empêche de voir à travers la baie, mais devient un terrain de jeu pour le doigt.

Un art vernaculaire

«On constate que l’œuf n’a pas eu son compte, que l’œuf au plat n’a pas eu son compte», affirmait l’artiste Martin Kippenberger. On pourrait ajouter que la poêle qui a servi à faire cuire l’œuf au plat n’a pas eu son compte, qu’une des dents en inox de la fourchette, qui vient crever le jaune de l’œuf au plat, n’a pas eu son compte, etc. Que le plus vernaculaire du vernaculaire ne le sera jamais assez. Que l’on n’aura jamais vraiment terminé de le scruter, de le manipuler et de le reprojeter. Quelque part, un air qui dit que le spectacle est partout, tout le temps, que le formica de la table ne sera jamais complètement ennuyant, ou qu’aller chercher le pain qui y mettra ses miettes ne sera jamais complètement décevant.

Des objets autonomes

C’est sans doute cela qui sous-tend ces formes dans l’exposition : des formes, et la main toujours très proche. La main qui a cassé l’œuf dans la poêle, qui a utilisé la poêle. Mais la même main qui va refigurer cette poêle en lui coupant net sa fonction utilitaire. Ici les objets se dérobent, il y a un quelque chose qui coince… On aimerait bien s’asseoir, mais le verre incrusté dans le plat de la chaise nous le déconseille. Le tain du miroir nous grignote et nous empêche. Comme une nouvelle autonomie de nos anciens accessoires. Notre œil identifie toutes ces formes familières, mais chaque ustensile est travaillé avec un vocabulaire qui feinte son origine.

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