ART | EXPO

Brooklyn-Romainville

22 Sep - 21 Oct 2012
Vernissage le 22 Sep 2012

Mettre en lumière les détails de l’ombre, de la périphérie, de ce qu’on a mis au rebut faute de rentabilité. Chercher les jardins cachés dans les résidences HLM, prendre des sentiers qui n’ont pas été battus: c’est ce que tente de proposer l’exposition «Brooklyn-Romainville».

André Robillard, Claude Lévêque, Julie Dalmon, Perrine Lacroix
Brooklyn-Romainville

De grandes avenues, de petits pavillons, de longs chemins qui se font à pied ou en bus, des jeunes à l’arrêt devant l’entrée des immeubles, des usines abandonnées, des centres commerciaux où se vendent les produits les moins chers du marché, des dimanches silencieux et des fantasmes bourgeois. L’architecture des périphéries se ressemble, ça s’étend, ça se décentre, c’est là et ça ne l’est pas, ça reste dans l’attente et parfois, ça casse d’un seul coup, ça devient intense et violent, puis ça retombe.

Il n’est pas difficile d’être nostalgique quand on vit en banlieue, c’est l’espace de l’enfance et de la vieillesse. Dans l’entre-deux, à l’âge ambitieux, on va travailler au centre puis on retourne en périphérie, pour avoir plus grand, un jardin pour mourir. C’est ce qui émane des films sélectionnés par les jeunes du Lycée professionnel Liberté, des courts-métrages venus de tous les pays qui racontent toujours cette histoire de l’à côté, de ce qui s’invente ou dérape, faute de propositions, faute d’engagement politique.
Ce qui brille est au centre, c’est l’espoir de lendemains radieux, de châteaux en Espagne, de terre d’Asile, d’âmes lavables. Mais de l’avenir, on en revient. Aiguisé comme un couperet, avec le sens du détail, une manière de voir le monde autrement, en le sentant comme le chien qui sent la chienne, une perception animale, sensuelle et raffinée, plus précise. C’est ce que proposent les artistes de cette exposition.

André Robillard est né en 1931 au lieu-dit La Mal-tournée près d’Orléans. C’est un créateur d’art brut qui travaille depuis des années au sein de l’hôpital de Fleury-les-Aubray. Il dessine et fabrique des fusils, il s’arme en ramassant des morceaux délaissés. Ces fusils rappellent ceux qui s’échangent parfois autour des capitales, si ce n’est que ses kalachnikovs ne tuent personne.

Claude Lévêque travaille la rencontre de matériaux comme d’autres travaillent le verbe, il crée des impressions antagonistes, des visions poétiques. Il se souvient de choses que personne n’a vues. Il produit l’envers noir dans la couleur et la lumière dans l’obscurité. Aux Salaisons, une chaise en formica, de celle qu’il y a dans les cuisines de pauvres avec un rêve assis dessus. À moins que cela ne soit le souvenir d’un enfermement.

Julie Dalmon érige des colonnes provisoires et glissantes. Symboles phalliques si l’on veut, mais de piètre composition, comme ceux de l’Etat qui enferme dans les conditions les plus minables d’Europe.
Les passagers de l’ombre des vieilles prisons françaises, ces âmes à laver du péché sont pourtant l’essence du vivant. Sans prisonnier: pas de crime, pas de police, pas d’actualité, pas de journaux, pas de juge, pas de cinéma, pas de littérature, pas d’avocat et peut-être même pourrait-on dire à l’instar de Jean Genêt: pas de désir.

Perrine Lacroix travaille sur une certaine manière de voir, percevoir nécessite de s’engager.
Les châteaux en Espagne sont ces constructions qui se sont figées dans le temps, rêves perdus, faute d’argent, faute de promesses non tenues. Ces bâtisses suspendues rejoignent les monuments délaissés, mais dont la beauté même vient de cet oubli, ce manque constitutif, des cénotaphes lumineux laissant apparaître le bleu du ciel.

Contrairement à ceux dont la poutre borgne l’œil, on découvre plus de points communs chez les hommes que de différences. Voir les similitudes au-delà des frontières et du temps et les réinjecter dans un mille-feuilles contemporain, une œuvre à déguster, c’est le travail de cette exposition. Mettre en lumière les détails de l’ombre, de la périphérie, de ce qu’on a mis au rebut faute de rentabilité. Chercher les jardins cachés dans les résidences HLM, prendre des sentiers qui n’ont pas été battus, c’est ce que tente de proposer «Brooklyn — Romainville».

Cette exposition s’est faite avec la mémoire d’un grand constructeur de rêves, d’expositions hautement poétiques qui venait régulièrement aux Salaisons et réchauffait l’atmosphère de son désir d’offrir des projets qui réunissent des mondes hétérogènes, une grande pensée pour Yvon Nouzille.

Laurent Quénéhen, commissaire de l’exposition.

Vernissage
Samedi 22 septembre 2012 à 17h

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