ART | EXPO

Breeze

20 Sep - 31 Oct 2008
Vernissage le 20 Sep 2008

Les vidéos de Nan Hoover, Rini Hurkmans, Fiona Tan et Teresa María Díaz Nerio ont en commun l’expérience du corps : l’abstraction du corps, le corps en tant que paysage, le corps exhibé ou l’absence de corps.

Nan Hoover, Rini Hurkmans, Fiona Tan, Teresa María Díaz Nerio
Breeze

Quatre artistes d’origines et d’expériences différentes, toutes très présentes dans la vie culturelle hollandaise, sont réunies dans cette exposition proposée par Marja Bloem présentant des œuvres vidéographiques ainsi qu’une performance.

Nan Hoover (1931-2008), Rini Hurkmans et Fiona Tan explorent à travers le médium vidéo, la relation entre la nature et le corps. La performance de Teresa María Díaz Nerio le jour du vernissage, apporte également à l’exposition une autre vision du lien entre nature et corps humain.

Née aux Etats-Unis en 1931 et décédée à Berlin en 2008, Nan Hoover s’installe à Amsterdam en 1969 et prend la nationalité néerlandaise en 1975. Elle étudie à la Corcoran Gallery Art School et travaille d’abord la peinture et le dessin avant de se concentrer sur la vidéo, la performance et la photographie en 1974.

Nan Hoover est considérée comme l’une des pionnières de la vidéo d’art. Ses œuvres vidéographiques ont été présentées internationalement à l’occasion de festivals et au sein de grandes institutions et de musées tels que la Documenta 6 et 8 (Kassel), le Stedelijk Museum (Amsterdam), le Moma (New York), le festival du film de Berlin, le Kunstmuseum à Bern et le Musée Folkwang en Allemagne. En août dernier, une journée commémorative présentait ses œuvres vidéographiques au Netherlands Media Art Institute à Amsterdam.

Nan Hoover travaille d’un point de vue sensuel mais aussi conceptuel avec la lumière, les couleurs, les formes, les mouvements et l’espace. Dans plusieurs de ses films des années 80 elle explore des parties de son propre corps et s’intéresse au sujet de la femme dans les arts visuels. Ses vidéos évoquent aussi souvent des associations avec le paysage.

On retrouve dans « Movements in Light » (1975) – l’une de ses premières Å“uvres vidéographiques – ce jeu de formes, d’ombres et de lumière. Les mouvements lents génèrent des images abstraites que l’on identifie à peine à des parties du corps. La caméra immobile et l’absence de montage créent une atmosphère de tranquillité. Les images sont internes et distantes comme dans un rêve.

Bien que la majeure partie des oeuvres de Nan Hoover ont été réalisées en studio, quelques œuvres des années 80 ont été tournées dans la nature. Son objectif était de résumer chacun des pays qu’elle a visités en un seul plan. C’est le cas de « Blue Mountains/Australia » (1988), où le contexte est entièrement déterminé par le son (l’eau qui coule et les oiseaux) et les reflets des branches et des feuillages sur l’eau. Les formes naturelles changent au rythme de la lumière et du temps qui passe.

Rini Hurkmans (1954) est professeur à la Gerrit Rietveld Academy et vit et travaille à Amsterdam. Son travail à fait l’objet d’expositions dans plusieurs galeries aux Pays-Bas et à l’étranger ainsi qu’au Stedelijk Museum, et a été exposé dernièrement à Sonsbeek  (Arnhem). Ses œuvres se trouvent dans plusieurs collections publiques et privées hollandaises et internationales. On pourra voir prochainement l’une de ses installations au « Parque de la Memoria » à Buenos Aires.

Rini Hukmans a grandi dans une partie des Pays-Bas où les rituels jouent un rôle important. À travers ses installations, ses vidéos et ses sculptures, elle cherche à exprimer le besoin de protection et d’affection que les gens ont, dans un monde où l’isolement et la séparation sont plus la règle que l’exception. Elle crée des réceptacles pour l’intuition humaine, les souvenirs, les fantasmes, les désirs, les sentiments d’émerveillement; des endroits où l’opposition entre le monde interne et le monde externe est comblée.

Dans la projection présentée à l’entrée de la galerie « The Flavor of Salt » (2008) (le goût du sel), on peut voir une table soigneusement dressée à l’extérieur. La nature prend au fur et à mesure possession des mets disposés dessus pendant que l’hôte attend ses invités, qui n’arrivent jamais. L’œuvre fait ici clairement référence aux natures mortes et autres « vanités » de l’école flamande et hollandaise du XVIIe siècle ainsi qu’à un sentiment de désespoir et d’insécurité. Inspiré du Nouveau Testament, le film montre à quel point la trahison peut changer l’amitié, et le bonheur peut se transformer en désillusion et solitude.

De l’autre côté du mur, la photographie en noir et blanc fait partie de la série d’autoportraits « Pieta » (2005). La première photo de cette série date de 1993. Inspiré de l’image religieuse de la Vierge Marie portant le corps inerte du Christ sur ses genoux, on voit l’artiste assise sur un piédestal au milieu d’un espace et tenant une forme sur ses genoux. Dans chaque nouvelle « Pieta », l’espace et la forme sont différents. La forme apporte à l’œuvre un élément mystérieux qui symbolise les émotions déformées des êtres humains.

Fiona Tan est née en 1966 en Indonésie d’un père indochinois et d’une mère australienne. Dès son enfance, elle émigre en Australie puis se rend à Amsterdam où elle vit et travaille toujours. Elle étudie à la Rietveld Academy puis à la Rijksacademy for Visual Arts.

Depuis dix ans, ses films et ses photographies ont gagné une notoriété internationale et ont été exposés à travers le monde. Son travail a été présenté à l’occasion de plusieurs Biennales (Venise, Berlin, Istanbul, …), et fait partie de plusieurs grandes collections telles que celles de la Tate Modern, du Stedelijk Museum ou encore  du MCA Chicago. Sa prochaine exposition « Rise & Fall » aura lieu en 2009 à la Vancouver Art Gallery et voyagera ensuite en Europe et en Australie.

Le travail de Fiona Tan est essentiellement marqué par l’évocation de la situation post-coloniale dont elle est originaire. À travers l’utilisation d’images issues de corpus d’archives ethnographiques, elle explore les notions d’identité et de mémoire et se penche sur la perception des différences culturelles. Dans ses nouvelles œuvres, elle s’éloigne de la représentation de l’être humain et offre à la nature une place pour la réflexion.

Le film « Island » (2008), présenté pour la première fois, a été filmé sur l’île Suédoise de Gotland dans la mer baltique ; dans la même réserve naturelle où le réalisateur russe Tarkovsky tourna son dernier film « Sacrifice ». L’œuvre a été filmée en noir et blanc avec un travail de caméra et un montage très précis. La voix off – texte écrit par Fiona Tan – est une partie déterminante du film. La forte végétation et la présence de l’eau donnent la sensation d’être loin du monde et aspirent à une forme de méditation, de retraite symbolique.

Née en 1982 à Santo Domingo en République Dominicaine, Teresa María Díaz Nerio vit à Amsterdam et étudie à la Dutch Art Institute à Enschede. Elle a terminé ses études à la Gerrit Rietveld Academy où elle a également réalisé ses dernières performances : « Hommage à Sara Bartman 2007 », « Throne of Gold 2007 », « Trujillo’s Island 2007 » et « Trujillo 2006 ». D’une manière très engagée, elle traite de sujets comme le rôle du voyeur et le climat socioculturel dans le monde occidental.

La performance que nous présente Teresa María Díaz Nerio le jour du vernissage est basée sur l’histoire de Sara Bartman, et évoque le rôle de la femme en tant qu’objet dans la société et l’art. Vêtue d’une combinaison en cuir qui lui donne une allure de femme primitive, l’artiste se tient sur un piédestal sans bouger pendant que le public la regarde. La tension monte au fur et à mesure que les minutes passent et l’atmosphère devient de plus en plus dérangeante et embarrassante.

Sara Bartman, plus connue sous le nom de Vénus Hottento, était une femme sud-africaine Khoisan qui fut ramenée en Angleterre pour être exhibé en 1810. Ses parties génitales et son derrière dépassaient la compréhension que les Européens avaient d’un corps humain à cette époque. Elle fut considérée comme un animal et exposée comme un objet. Après sa mort, un moulage de son corps ainsi que plusieurs parties de son anatomie furent exposés au Musée de l’Homme à Paris jusque dans les années 70.

Cette performance est le résultat d’une investigation sur les corps de noirs sur scène. « Le fait de porter son corps comme une peau était une manière de me déguiser mais aussi de devenir moi-même à travers l’autre. » La raison pour laquelle Sara Bartman est devenue cette icône pour le peuple africain mais aussi pour le peuple européen, est une réaction contre le viol scientifique et voyeuriste de son corps.

Les œuvres présentées dans l’exposition « Breeze » ont apparemment toutes un point de départ différent, mais elle révèlent également des similarités intéressantes. La caméra subjective utilisée dans le film de Fiona Tan implique la présence d’une personne, mais qui n’est pas représentée dans l’œuvre elle-même.

Dans les premières œuvres vidéographiques de Nan Hoover, qui donne une approche du paysage en tant que corps et corps en tant que paysage, le personnage est imaginé comme une abstraction, une ombre. Dans la représentation du repas non consommé de Rini Hurkmans, les fonctions physiologiques du corps ainsi que les relations sociales sont manifestées. La décomposition est montrée comme une qualité implicite de la nature.

Toutes ces visions de la nature prennent corps dans la performance de Teresa María Díaz Nerio où les relations sociales et physiologiques sont explicitement caricaturées. Qui plus est, on retrouve des parallèles entre la photographie « Pieta » de Rini Hurkmans, les premières œuvres vidéographiques de Nan Hoover et la performance de Teresa María Díaz Nerio dans lesquelles le corps est présenté en tant qu’objet.

Marja Bloem a commencé sa carrière en travaillant comme assistante au commissariat du service municipal des expositions à l’Academie des Arts Visuels à Hertogenbosch (Pays-Bas) où elle organisa plusieurs expositions. Après un doctorat en histoire de l’art à la Rijksuniversity Leiden, elle travaille de 1971 à 2005 au Stedelijk Museum à Amsterdam en tant que commissaire des expositions de peinture et de sculpture.

Connue dans le monde de l’art hollandais et international comme commissaire d’exposition, conférencière et auteur, Marja Bloem a également participé en tant que jury au « Royal subsidy for painting ». Elle organisa, il y a quelques années, la première rétrospective internationale du peintre Colin McCahon en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Avec le soutien de la Mondriaan Foundation et de l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas à Paris.

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