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Bored Astronauts on the moon

PAugustin Besnier
@01 Nov 2011

Entre morceaux tragicomiques et clins d’œil ironiques, les œuvres du duo britannique continuent de séduire par leur efficacité déconcertante. Deux vidéos récentes prennent ici à contre-pied leur démarche traditionnelle, aux côtés d’un volet moins connu de leur travail, comprenant photographies, dessins et impressions.

Il est des artistes dont on aime l’efficacité simple des œuvres. John Wood et Paul Harrison sont de ce nombre. Les vidéo-saynètes qu’ils réalisent depuis près de vingt ans ont pour caractéristiques communes d’être courtes, filmées en plan fixe, situées dans un espace épuré où seuls quelques accessoires et, parfois, les artistes eux-mêmes interagissent en un bref instant, réduisant l’action à une pure logique de cause à effet. Le corps y est objet, les objets y sont corps en mouvement, et l’image est là pour saisir une action aussi irréductible qu’inextensible.

C’est ce principe que le duo prend à contre-pied dans quelques vidéos présentées ici. Bored Astronauts On The Moon (2011), notamment, immerge les artistes dans un cadre lunaire, sans fond ni hors-champ, où rien ne semble pouvoir se passer, et où rien effectivement ne se passe. Harnachés de scaphandres, les deux compères errent dans l’image, s’ennuient visiblement, font les cent pas pour passer le temps (la vidéo dure une heure), des pas inutiles dont on se demande bien comment ils peuvent faire avancer l’humanité.

Plus tragique, 10×10 (2011) est un long travelling descendant (figure rare dans leur vocabulaire), chutant lentement le long d’un immeuble de bureaux et saisissant à chaque étage les actions absurdes qui s’y déroulent. Le mouvement de caméra y acquiert une rare force narrative, en jouant habilement avec le surgissement d’objets au premier plan et la récurrence de certains gestes. Par ce traitement du récit, l’action devient scène, l’artiste acteur, et le dispositif glisse nettement vers la cinématographie.

À proximité, l’installation vidéo MIC/AMP (2007) s’inscrit plus clairement dans la continuité de leur travail. Un micro se balance devant un amplificateur et provoque un larsen dont la durée augmente à mesure que le mouvement pendulaire se stabilise. Rien de plus qu’une expérimentation audiovisuelle, sur le mode coutumier du «et si on tentait ça?», mais dont l’enjeu — le son finit par l’emporter sur l’image — est judicieusement désamorcé par la charge démonstrative.

Un autre volet de leur travail, comprenant photographies, impressions et dessins, est exposé aux côtés de ces vidéos. Onomatopées, aphorismes, dessins géométriques et mises en abyme y font la joie des artistes et provoquent autant le spectateur par leur extrême minimalisme qu’ils le dérident par une dérision à peine dissimulée.

Si de prime abord les vidéos séduisent davantage que le reste, l’ensemble a, comme souvent dans ce cas, l’avantage de l’unité de lieu. Le visiteur se sent passer de morceaux tragicomiques en clins d’œil ironiques, et se plaît à y répondre par un regard complice.

Å’uvres
— John Wood et Paul Harrison, 10×10, 2011. Vidéo HD colour, sound. 15’37 »
— John Wood et Paul Harrison, Some Words, Some More Words, Artists Know Nothing About Silence, 2011. Impression Glacée sur papier. 941 x 674 mm
— John Wood et Paul Harrison, Some Words, Some More Words, One Or Two Idiots, 2011. Impression Glacée sur papier. 941 x 674 mm
— John Wood et Paul Harrison, MIC/AMP (Apologize to Mr Reich), 2007. Installation vidéo colour, sound, MiniDv. 2′ 21″
— John Wood et Paul Harrison, Just Can’t Be Bothered Anymore, 2011. Marqueur permanent sur papier A4.
— John Wood et Paul Harrison, OOH AH, (Cantona), 2011. Marqueur permanent sur papier A4.

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