PHOTO | CRITIQUE

Bondages

PStéphanie Courty
@06 Juil 2009

Insolent, dérangeant, sulfureux, Nobuyoshi Araki persiste dans l’érotisme avec sa série Bondages. Mais par delà la violence des poses, les regards, les compositions, et le raffinement esthétique des photographies convoquent subtilement l’amour, la mort, l’autobiographie, la tradition.

Le corps de la femme a toujours fasciné les artistes, comme l’a montré Gustave Courbet en 1866 avec son Origine du monde, qui était autant l’expression d’un rejet radical de l’académisme.
Aujourd’hui, Nobuyoshi Araki mêle lui aussi l’art et l’érotisme en présentant le sexe et le corps de femmes ligotées selon les techniques traditionnelles du Shibari considéré au Japon comme un art régi par des codes très précis.

Les cordes dessinent des figures géométriques et soulignent l’érotisme de leurs courbes. Au XVIe siècle, le Shibari était une technique de soumission de l’ennemi qui était attaché de façon différente selon sa position sociale: les samouraï et les nobles ne pouvaient être attachés que selon des rituels qui sauvegardaient leur honneur.
Dans les années 1960, le Shibari est réapparu en tant que pratique sexuelle sadomasochiste.

Mais les photographies de Nobuyoshi Araki dépassent largement le Shibari. Les cadrages, les arrières plans très soignés, les couleurs des vêtements méticuleusement reprises dans le décor font nettement basculer les images du côté de l’esthétique. Nobuyoshi Araki parvient à exprimer le sentiment, l’intensité de l’instant: l’amour en tant que soumission absolue. Il parvient à figer «le lâcher-prise» de ses sujets et le fait passer sans fioriture de l’intime au public.
Les postures ne sont jamais vulgaires, les regards des femmes toujours lascifs et complices ont une dimension poétique, voire romantique qui gomme le caractère purement sexuel des poses.

Nobuyoshi Araki sublime ses sujets. Les fruits, que portent souvent des femmes, évoquent la féminité, l’abondance, la fécondité, mais aussi le désir de l’artiste. Selon Nobuyoshi Araki, «la photographie est l’obscénité par excellence, un acte d’amour furtif, une histoire, un roman à la première personne».
Comme toujours chez lui, c’est aussi sa vie qu’il photographie: son quotidien, la magie de l’instant vécu, l’abandon. Par delà le sexe, il écrit d’un journal photographique intime dans lequel le sexe et l’amour sont intensément mêlés.

Les photographies présentées à la galerie Daniel Templon confirment également que chez Nobuyoshi Araki le sexe  et l’amour sont intimement liés à la mort. Les fruits et autres salamandres insérées situent son travail dans le sillage des vanités du XVIIIe siècle, mais il fait également signe vers la rhétorique autobiographique de Sophie Calle, par exemple.

Nobuyoshi Araki
— Bondages. Photographies couleur numériques. 150×120 cm. Pièce unique.

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