PHOTO | CRITIQUE

Bodywork

PAnne-Lou Vicente
@12 Jan 2008

Dans «Bodywork», la jeune artiste américaine Liz Cohen se met en scène, s’exposant comme «bikini model» aux côtés d’une automobile en cours de transformation. Un double projet, mécanique et photographique, sur la métamorphose, des choses et des êtres, et sur le décloisonnement des genres, des statuts.

Le terme «bodywork» recèle une ambivalence sémantique à l’origine du double projet portant ce nom. En effet, «body» désigne aussi bien la carrosserie d’une automobile que le corps d’un être humain.

«Bodywork» est une histoire de transformation(s). L’idée de départ: faire d’une Trabant, une automobile populaire de l’ex-RDA, un El Camino Low Rider, mythe automobile américain. Une réincarnation symbolique qui constitue la trame du projet, ainsi que de la série de photos homonyme présentée ici.

L’artiste, initiatrice du projet, y tient plusieurs rôles: ayant suivi un apprentissage en mécanique, elle participe pleinement à la métamorphose de l’objet. Un rôle essentiellement masculin qu’elle ne craint pas d’endosser. Bousculant ainsi les idées reçues sur le genre et ses attributions, elle va au contraire dans le sens du cliché lorsqu’elle décide de poser comme «bikini model» aux côtés de son œuvre (mécanique) en vue de participer aux salons de low-riders de la côte ouest des Etats-Unis.

Epaulée par un coach, l’artiste se métamorphose ainsi en modèle, posant à demi-nue avec force maquillage et accessoires, prenant comme il se doit des positions pour le moins suggestives, mettant tous ses attributs féminins en avant. Une coquetterie qui contraste fortement avec l’univers masculin du garage.

Oscillant entre la photo de mode et la photo érotique, le glamour et la vulgarité, ces portraits de l’artiste en «bikini model», brouillent le statut d’artiste qui, pour Liz Cohen, se révèle multiple. Quelques unes des photographies exposées le montrent d’ailleurs, où l’on voit le modèle – l’artiste donc – participer à l’effort mécanique, révélant ainsi l’ambiguïté de son statut, et a fortiori sa dimension fictive.

Additionnant les savoir-faire, la jeune artiste américaine multiplie les rôles et les expériences, n’hésitant pas à passer «de l’autre côté» en devenant son propre modèle, ou occupant la place habituellement réservée à l’homme en mettant les mains dans le cambouis. Une façon de décloisonner les genres, briser les tabous et mettre un terme aux idées reçues. Le tout en un seul et unique projet.

Liz Cohen :
— Trainer, série «Bodywork», 2006. c-print. 127 x 156 cm.
— Lunch Room, série «Bodywork», 2006. c-print. 127 x 153 cm.
— Hood, série «Bodywork», 2006. c-print. 127 x 153 cm.
— Welder, série «Bodywork», 2005. c-print. 127 x 153 cm.
— Grinder, série «Bodywork», 2005. c-print. 127 x 153 cm.

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