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Blow-up 1952-2007. Quand j’étais petit je ne faisais pas grand

PMagali Lesauvage
@12 Jan 2008

Manipulant avec aisance le sérieux et l’ironie, François Morellet, artiste contemporain toujours fringant, propose au musée d’Art moderne de la Ville de Paris la reprise d’une dizaine d’œuvres anciennes, auxquelles il fait subir un changement d’échelle perturbant leur perception.

Né en 1926, l’artiste français François Morellet a traversé le siècle et a ainsi pu éprouver les mutations de la peinture depuis la fin de la guerre. Cofondateur du GRAV (Groupe de Recherche d’Art visuel) en 1960, il décide alors de «réaliser des œuvres d’art destinées à être les matériaux d’une future science de l’art», et emploie néons, grillages, tubes en inox, etc.
Auparavant, influencé par l’art concret de Max Bill, qui concevait une approche mathématique de l’art, il explore dans ses toiles une géométrie minimale. Les onze petits tableautins retenus ici par l’artiste datent tous de 1952 et suivent le principe selon lequel une œuvre doit être conçue avant d’être exécutée de manière neutre et précise. En 2006, François Morellet les a reproduits en multipliant leurs dimensions par quatre, passant pour la plupart d’environ 40 x 70 cm à 160 x 280 cm.

Le principe général de la composition de ces toiles des années 1950 est celui de la continuité, de l’infini du motif répété et «cadré» par l’artiste dans le périmètre de la toile : François Morellet dit s’inspirer ici tant de Max Bill ou de Mondrian que de la peinture aborigène et des tapas océaniens.
Afin de mieux suggérer l’infini, l’artiste a agrandi ses premières toiles pour réaliser une seconde série d’œuvres, toutes nommées 1952 x 4. Quand j’étais petit je ne faisais pas grand. Par cette méthode, il s’approche du concept d’all-over, tant décrié par l’abstraction géométrique des années 1950. Cependant François Morellet ne prétend à aucune suggestion métaphysique, simplement, dit-il, «ça marche mieux» lorsque l’œuvre est agrandie.

Niant toute subjectivité, François Morellet contredit ici le principe fondateur de son abstraction géométrique : l’agrandissement des œuvres leur confère un caractère monumental et provoque délibérément un effet sur le spectateur («blow up» signifiant agrandissement ou exagération). Car, à la suite de Duchamp dont François Morellet se réclame aussi, l’important est avant tout le regard du spectateur et son appropriation de l’œuvre. L’artiste choisit la dérision et la provocation pour mieux justifier cet exercice «excitant, dérisoire et périlleux». Par un singulier effet d’échelle, il s’inscrit physiquement, par cette exposition, dans le cadre de l’histoire de l’art, au sein d’un musée d’«art moderne» conçu pour recevoir ce type d’œuvres monumentales.

Est présentée également au sein de l’exposition l’œuvre 3 doubles trames 0°-30°-60°, commandée en 1975 par le musée. Réalisée selon un système de lignes, énoncé dans le titre, tracées à zéro, puis trente, puis soixante degrés les unes des autres, la toile de huit mètres de côté est elle-même un «blow up» d’un carton dessiné en 1960, annonçant le processus développé trente ans plus tard.

François Morellet
— 1952 x 4 n°6. Quand j’étais petit je ne faisais pas grand, 2006. Acrylique sur toile sur bois. 160 x 280 cm.
— 1952 x 4 n°3. Quand j’étais petit je ne faisais pas grand, 2006. Acrylique sur toile sur bois. 160 x 280 cm.

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