ART | CRITIQUE

Blind Date

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

Pour sa deuxième exposition personnelle à la Galerie Eric Dupont, Cécile Paris présente des œuvres réalisées lors de sa récente résidence à New York. Avec la volonté de libérer le regard et les interprétations, ses vidéos et montages photographiques explorent les potentialités narratives de l’image.

La galerie s’est obscurcie à l’occasion de ce rendez-vous avec l’inconnu. Dans la pénombre silencieuse, le visiteur perçoit le ronronnement des projecteurs. Son œil est directement capté par l’œuvre vidéo Luck or Love.
Gros plan sur des mains de femme tatouées de ces deux mots : « chance » et « amour ». Elles épluchent un oignon et lorsque la chair affleure, la caméra remonte vers les épaules et le visage. Par un mouvement circulaire, elle épluche la femme et s’arrête sur son visage où perlent quelques larmes.
Un instant, on croit saisir la douleur, le désespoir dans ces yeux. Au-delà de l’explication logique, ces pleurs déclenchent un vrai sentiment de tristesse et de mélancolie. Pourtant, l’oignon dégarni nous fait douter de nos émotions.

Conflit d’interprétation et brouillage des messages et des signes visuels sont au cœur du travail de Cécile Paris. Elle fait des images pour déclencher les interrogations, questionner les repères. Ses vidéos reposent sur des dispositifs très simples, centrés sur une personne qui fera naître, au fil de l’action, une histoire dans la tête du spectateur. Ces narrations-interprétations sont multiples, ouvertes à l’imaginaire.

Dans la vidéo Le Doorman, l’artiste a demandé à un doorman d’immeuble new-yorkais de jouer son propre rôle. Il se balade en uniforme le long de Battery Park, au bord de l’eau. Soudain, il fait tomber sa veste et accélère le pas en se dirigeant vers le lointain. S’est-il libéré du poids de sa fonction ? Court-il vers une nouvelle vie ? Avec une séquence très simple, l’histoire prend corps, un geste infime devient lourd de sens.

Deux dispositifs de projection reposent sur un support ramené des États-Unis. Miami projette une diapositive de grille de magasin sur la silhouette découpée de trois pin-up et Pare-soleil donne à voir un film court fait de flashs lumineux diffusés sur l’écran de télévision encastré dans un pare-soleil de voiture. Des souvenirs américains qui sont aussi un clin d’œil à une civilisation qui partage nos stéréotypes et modes de vies.

Si l’individu est souvent le point central de ses vidéos, ce sont les objets ou l’environnement qui habitent le monde photographique de Cécile Paris. Deux diapositives sur caissons lumineux, Blabla 1 et Blabla 2, mettent en présence des éléments de photographies distinctes. Par cet effet de montage, ce que l’on croit connaître prend une toute autre dimension : évocation poétique ou fantastique, incongruïté. Quand l’image vient nous surprendre, opérer un décalage avec ce que l’on connaît du réel et de sa représentation. C’est en cela que Cécile Paris conçoit le travail artistique, avec une volonté de rendre sa liberté au regard et à l’interprétation.

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