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Black Iron Prison

PCaroline Pillet
@12 Jan 2008

Les œuvres de l’artiste norvégien Gardar Eide Einarsonn sonnent comme un appel à prendre conscience des traumatismes de notre monde : entre la paranoïa conduisant à une surprotection contre un hypothétique danger, et la guérilla visant à créer des zones autonomes de libération.

Gardar Eide Einarsonn, artiste norvégien, bénéficie de sa première exposition personnelle en France à la galerie Loevenbruck avec trois œuvres datant de 2005: Untitled (Portrait), Untitled Wall Painting (Black Iron Prison) et Props (And The Earth Would Flame With A Holocaust Of Ecsatsy And Freedom).
La première est la reprise au crayon du portrait-robot du bio-terroriste Théodore Kaczynski, connu sous le pseudonyme d’«Unabomber». Ce portrait est accroché sur la deuxième œuvre qui couvre deux grands murs de la galerie. Il s’agit de grands aplats de peinture noire représentant une sorte de muraille, qui pourrait être celle entourant une citadelle médiévale.
Enfin, la troisième œuvre, au fond de la galerie, est une installation composée d’un grand drapeau noir devant lequel sont installés deux coussins gris vers lesquels les deux murs peints en noir semblent nous mener.
Les tonalités grises et noires font penser aux murs d’une citadelle médiévale et au roman de Kafka Le Château dans lequel une atmosphère étouffante et inquiétante règne autour du château. Sombres et angoissants, les murs de la galerie nous immergent dans une ambiance pesante.

L’effet est accentué par le dessin du bio-terroriste. Reprise d’un portrait-robot, sa tête est recouverte d’une capuche et ornée de lunettes de soleil. L’homme est comme dépourvu de visage, d’une inquiétante étrangeté, ressemble finalement à n’importe qui.
Brillant mathématicien et ancien professeur à l’université de Berkeley aux États-Unis, Unabomber fut accusé d’avoir adressé durant dix-huit ans (entre mai 1978 et avril 1995) seize colis piégés à des professeurs d’universités, qui ont fait trois morts et vingt-trois blessés. Il reprochait à ses victimes d’être responsables d’une évolution technologique destructrice pour l’humanité et la nature.
Il est également l’auteur d’un manifeste, Industrial Society and Its Future, dénonçant les risques que la technologie fait peser sur les libertés individuelles.

Ce portrait fait écho au titre de l’exposition «The Black Iron Prison» tiré du livre Valis (Siva en français) de Philippe K. Dick (1978) où le personnage principal pense que les gens sont enfermés dans une prison de fer noir (Black Iron Prison) symbolisant toutes les formes d’oppression.
Au travers du bio-terroriste ou de l’écrivain, Gardar Eide Einarsonn met en scène la paranoïa comme trait du monde contemporain, et plus particulièrement du gouvernement américain.

L’installation du fond de la galerie fait référence à une célèbre photo du leader de la guérilla tchétchène, Shamil Basajev, qui, assis sur un coussin devant le drapeau tchétchène, fait une conférence révolutionnaire anti-russe.
Dans l’œuvre, le leader est tout juste parti et à le drapeau national est remplacé par le drapeau noir des anarchistes. Le sous-titre est «And the earth would flame with a holocaust of ecstasy and freedom» (et le monde s’enflammera dans un holocauste d’ecsatsy et de liberté).

Les œuvres de Gardar Eide Einarsonn sonnent comme un appel à prendre conscience des traumatismes de notre monde. D’un côté, la paranoïa conduit à une surprotection contre un hypothétique danger, c’est-à-dire à l’oppression et au contrôle, mais aussi l’intériorisation de la domination. D’un autre côté, la guérilla veut être une réponse à ce protectionnisme morbide et mortifère en créant des zones autonomes de libération.

Gardar Eide Einarsonn :
Props (and the earth would flame with a holocaust of ecstasy and freedom), 2005. Coton teinté noir, rivets, coussins. 250 x 150 cm.
Untitled wallpainting (Black Iron Prison), 2005. Peinture murale acrylique. Dimensions variables.
Untitled (portrait), 2005. Crayon sur papier. 28 x 34 cm.

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