ART | EXPO

Blabla et Chichi sur un bateau

14 Jan - 23 Fév 2012
Vernissage le 14 Jan 2012

Les artistes ont porté une attention particulière au lieu qu’ils occupent, chamboulent et remettent en cause par leurs différentes installations, toutes réunies dans un seul espace. Le parcours du spectateur est alors perturbé, il ne s'agit plus de contempler les oeuvres, mais plutôt de pénétrer dans un environnement protégé. C'est le lieu même de la galerie d'art, habituellement sobre et minimal, qui est ici détourné par les oeuvres disposées ça et là et dialoguant entre elles.

Julien Bouillon, Claire Fontaine, Johan Creten, François Curlet, Du Wang, Mylène Eliot, Agathe Fleury, Tadashi Kawamata, Mike Kelley, Xavier Mazzarol, Daphne Navarre, Alfredo Piola, Yorgos Sapountzis, Louis-Philippe Scoufaras, Stéphane Vigny, Philip Wiegard, Franz West, Bernhard Willhelm
Blabla et Chichi sur un bateau

Cette exposition recréé un environnement protégé –surprotégé même– par quelque esprit maniaque, qui a tapissé sol et murs de space blankets dorées. Des couvertures spatiales développées par la NASA pour préserver les cosmonautes du froid, de la chaleur et de l’humidité. Ces feuilles de plastique métallisée servent aussi de couvertures de survie qui régulent la température corporelle des grands blessés ou des sportifs de l’extrême. Il suffit de lever les yeux pour prendre la mesure du danger dont elles sont le présage. La lumière de trois spots de cinéma d’une puissance respective de 4000 watts traverse le toit en verrière et inonde l’espace de la galerie. Trois sources lumineuses crues à la fois indispensables à la vision et terriblement éblouissantes. Plutôt que d’atténuer le rayonnement, les couvertures le réfléchissent comme des prismes, occasionnant une perte de repères au visiteur.

Les artistes Christophe Hamaide-Pierson et Xavier Mazzarol ont créé ce dispositif pervers, où le précieux, l’attirant, le protecteur et le vital se muent en piège pour les sens. Scénographie et Å“uvre à part entière de l’exposition Blabla et Chichi sont sur un bateau dont ils sont les commissaires, cette installation subvertit de manière hyperbolique les codes de l’exposition d’art ; le cube blanc devient un écrin doré, l’éclairage des Å“uvres une superproduction.

Accueillant le spectateur dans cet environnement «bigger than life», une colonne de pièces de vingt centimes d’Agathe Fleury barre le haut du corridor d’accès à la pièce principale. Sa station horizontale plutôt que verticale annonce le flottement qui suit: une série d’œuvres qui apparaissent en lévitation sur des socles de hauteurs diverses, des valeurs renversées ou de guingois. Ainsi, ce tirage photographique d’une silhouette lointaine, seule dans une immensité inondée. Une image de l’artiste Alfredo Piola, dont l’apparente sérénité est contredite par son titre Le Naufrage. La présentation de l’œuvre à plat sur un socle la dérobe au regard. Pour l’apercevoir, il faut accéder à la mezzanine de la galerie, sorte de belvédère d’où l’exposition s’offre tel un panorama.

Comme le protagoniste de l’image de Piola, l’humanité, ou la civilisation étrangère célébrée par ces ors, semble s’être égarée dans une parenthèse spatio-temporelle. On n’en perçoit que les attributs et les appendices ornementaux ou utilitaires comme ce pistolet à pisse en céramique de Julien Bouillon. L’exposition présente une série d’objets en mutation, mais arrêtés ou minéralisés par le geste artistique dans un état intermédiaire ou embryonnaire, à l’exemple de la maquette d’une commande pour l’espace public de Franz West plongée dans un parallélépipède en plexiglas rempli de résine. D’autres objets semblent encore chauds et pulsants. Ainsi de la cornemuse au sac en peau de cochon de Philip Wiegard ou du rocher lumineux de Mike Kelley, réflexion ironique sur la kryptonite d’un super-héros cloué sur son fauteuil roulant.
 A travers ce dialogue de la forme et de l’informe, de l’humain et du mutant, du séducteur et de l’hostile, se dessine l’image d’une société prométhéenne qui pousse la logique productiviste jusqu’à doper des plantes d’ornement aux protéines et le réflexe sécuritaire jusqu’à abriter des œufs dans un bunker.

AUTRES EVENEMENTS ART