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Beyrouth Banlieue Sud/Sud Liban

PMarie-Jeanne Caprasse
@12 Jan 2008

Mais qu’est ce qui fait courir Anne-Marie Filaire? Les paysages marqués ou blessés, qui portent les cicatrices de l’activité humaine et bien souvent de ses conflits. Transposés dans des teintes aux gris veloutés, ils semblent figés dans un temps lointain et un espace abandonné.

La photographie d’Anne-Marie Filaire est une photographie de témoignage, sans pathos. Son utilisation d’un noir et blanc peu contrasté apporte cependant un niveau de mise à distance, de déréalisation, renforçant l’impression d’un temps figé et d’un espace abandonné. Elles dégagent une impression de silence et de repos après la tempête.

Entre l’investigation et la capture minutieuse des évolutions du paysage, Filaire a beaucoup travaillé sur les zones tampons, notamment entre Israël et la Palestine. Son travail repose sur une rigueur formelle proche de la démarche du géographe qui relève la physionomie d’un pays et de ses frontières.

Il y a dans son approche des territoires une dimension politique. En 2003, elle a enregistré minutieusement les changements du paysage lors de la construction du mur entre Israël et la Palestine. Elle dit: «Je suis engagée mais pas partisane». C’est au péril de sa vie qu’elle va photographier des arbres décharnés dans un terrain miné. Même chose lorsqu’elle explore la banlieue sud de Beyrouth: les lieux sont interdits à la population car trop dangereux, il n’y a plus une âme qui vive dans ces rues et ces immeubles aux façades détruites.

Ce sont ces immeubles soufflés par les bombes et ces rues désertées qu’elle expose à la galerie Eric Dupont. Elle montre une ville fantôme, abandonnée, en détresse. Tout est laissé en l’état et quelques restes laissent deviner l’occupation des lieux par les hommes: une chaise, un tas de vêtements éparpillés, des antennes de télévision. Les voitures semblent assommées par des tas de gravas tombés des façades. Dans ce décor de perdition et de ruines, seuls les arbres semblent avoir résisté.

Ici, nous sommes dans la banlieue sud de Beyrouth après les bombardements israéliens. Mais les villes bombardées ne se ressemblent-elles pas toutes? Elles ont perdu ce qui faisait leur identité: mêmes immeubles aux façades soufflées, mêmes débris qui jonchent le sol, même abandon des lieux… Le temps semble arrêté. La vie a disparu de ces territoires blessés. Et la photographe saisit un moment de l’histoire dans sa réalité présente pour parler du drame humain.

Des photographies d’arbres aux branches cassées dialoguent avec ces images de ville. Ces buissons sont faibles, décharnés, mais semblent bien ancrés sur le terrain rocailleux. L’un deux est en fleur, peut-être comme un signe d’espoir, de renaissance au milieu des ruines?

Anne-Marie Filaire
— Beyrouth Banlieue Sud 3, 2006-2007. 125 x 154 cm. Tirage argentique noir et blanc.
— Beyrouth Banlieue Sud 1, 2006-2007. 80 x 100 cm. Tirage argentique noir et blanc.
— Beyrouth Banlieue Sud 4, 2006-2007. 80 x 100 cm. Tirage argentique noir et blanc.
— Beyrouth Banlieue Sud 2, 2006-2007. 80 x 100 cm. Tirage argentique noir et blanc.
— Sawane 2, 2006-2007. 80 x 100 cm. Tirage argentique noir et blanc.

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