ART | EXPO

Benoît Broisat

14 Jan - 18 Fév 2012
Vernissage le 13 Jan 2012

Benoît Broisat s’intéresse à la façon singulière dont chacun se représente une situation, un souvenir. Initié en 2008, le projet des Témoins se présente sous la forme de diptyques associant une page de journal ou de magazine à un objet présent sur la photographie reproduite récupéré à l’issue d’un long travail d’enquête.

Benoît Broisat
Benoît Broisat

Dans le flot continu des images qui recouvrent le monde, on aperçoit des choses innombrables. Mais comment affirmer si ce que nous voyons consiste bien en ces choses mêmes dont l’apparence nous est donnée, et non en leur simple reflet?

Par les simulacres qui débordent en tourbillons incessants, peut-être sommes-nous trompés irrémédiablement. Ou bien: comme le taureau dirigé par le reflet changeant de la cape, nous tournons autour d’un point d’aveuglement. Tout juste commençons-nous à comprendre quelque chose, que sonne «la mise à mort» de ce que nous pensions parvenir à saisir. Il faut que la danse recommence…

Benoît Broisat a décidé de vérifier si ce que livrent les images est «vrai». Il s’agit d’abord d’un combat qui se situe dans la durée: prendre le temps de trouver ce qu’une image a exhibé, aller le chercher au bout du monde, le négocier avec ceux qui en sont les tenants, plus que les propriétaires, cela prend du temps. L’artiste n’en manque pas, ironiseront certains… Mais justement: le temps manque à chaque chose, à chaque être, puisque le temps des images n’en est pas.

Sortir un pin’s, une chemise ou un gant d’une photographie de revue, et de tout ce qui s’en dit (affublant sa mutité de mille commentaires bavards), c’est le rendre à l’air libre du temps où l’on respire. Les Témoins de Broisat sont comme des survivants, des bouteilles à la mer que l’artiste aurait sorties des vagues où elles allaient sombrer et disparaître à jamais.

Ce faisant, le spectateur à son tour sort la tête de l’eau. Ou plus exactement, l’artiste lui montre comment il a tantôt la tête dans l’eau et tantôt en dehors. Ses œuvres sont des petits exercices de réapprentissage de la différence qu’il y a entre le bruit des images et des mots, et le silence des réalités nues. Qu’il nous raconte l’histoire de ses pêches non miraculeuses (elles sont plutôt très laborieuses) ne contredit pas cette dialectique, au contraire.

Car au fond, le principe même de la dialectique est de nous rappeler «qu’il n’existe pas de vérité abstraite, que la vérité est toujours concrète» (Lénine). En montrant qu’il n’est pas la dupe de ses propres procédés d’artiste et de poète, Benoît Broisat se révèle comme l’un des excellents dialecticiens du moment! De ceux qui nous aident à extraire le monde de son bloc de papiers glacés. Cela lui vaudra un fromage, sans doute.
Emmanuel Latreille

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