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Beaux Arts n°226

Ce mois-ci, Beaux Arts se penche, dans son dossier, sur les liens unissant littérature et photo. Parmi les nombreux articles, signalons ceux consacrés à l’exposition « Hardcore » au Palais de Tokyo, aux artistes Cildo Meireles et Nicolas de Staël, ou encore au designer médiatique Philippe Starck.

— Directeur de la rédaction : Fabrice Bousteau
— Éditeur : Beaux Arts magazine, Paris
— Parution : mars 2003
— Format : 28,50 x 22 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 130
— Langue : français
— ISSN : 0757 2271
— Prix : 5,95 €

Édito : what is a french artist ?
par Fabrice Bousteau

Vous souvenez-vous du rapport du sociologue Alain Quemin, remis en juin 2001 au ministre des Affaires étrangères, concernant la place des artistes contemporains français sur la scène internationale ? Sans doute pas. Malgré la polémique qu’il a suscitée, peu de médias grand public en ont fait écho. C’est bien connu, il est plus important de consacrer dix minutes, dans un journal télévisé, à un fait divers qu’à la politique culturelle française. Ledit rapport constatait que les artistes français sont peu présents dans les grandes collections publiques et privées étrangères, et que leur cote sur le marché international de l’art est, en moyenne, nettement inférieure à celle des artistes américains, allemands et anglais.
Ce qui est vrai.

Par contre, ici et ailleurs, nous sommes nombreux à avoir contesté la thèse du sociologue selon laquelle la tendance est à la radicalisation de cette situation et que l’art contemporain français subit « un lent effondrement » sur la scène internationale. Méconnaissant le secteur et s’appuyant sur des outils d’analyse contestables, le sociologue n’avait pas pris en compte ce qui tient de l’impalpable, du qualitatif, autrement dit de l’intérêt croissant des acteurs internationaux de l’art pour la scène française.

Un an et demi après la publication du rapport, des éléments concrets nous donnent raison. Des magazines majeurs de la scène internationale consacrent leur une à des artistes de l’Hexagone, ce qui est une première. Parkett, la quasi mythique revue suisse, célèbre Daniel Buren quand les revues américaines Art Forum et Art America s’enthousiasment pour Pierre Huyghe et Chéri Zen. D’autre part, jamais autant d’artistes vivant en France n’ont été représentés et sollicités par les grandes galeries d’art américaines (celles qui font le marché).

Ceci étant dit, la France continue à consacrer trois à quatre fois moins d’argent que l’Allemagne et le Royaume-Uni pour la promotion de ses artistes à l’étranger. Jacques Chirac s’était engagé pendant la campagne présidentielle à réformer l’Association française d’action artistique (Afaa), en charge de la promotion de la culture, pour la transformer en agence culturelle sur le modèle, et avec les moyens financiers, du British Council. La promesse est aujourd’hui oubliée, tout comme la fameuse « sanctuarisation » du budget du ministère de la Culture. Inquiétant. D’autant que, en Europe, l’art contemporain subit de fortes pressions populistes. En Allemagne et aux Pays-Bas, trois directeurs de musées majeurs viennent de démissionner pour protester contre les pressions exercées par des élus. La France bénéficie aujourd’hui d’une scène dynamique et demeure un modèle de politique culturelle. Pour combien de temps ? L’État doit plus que jamais soutenir et appuyer le dynamisme sans précédent des acteurs de l’art. Cela ne coûte pas très cher, à peine le prix d’un ou deux Mirage. Ce n’est pas un problème économique mais politique. L’enjeu est majeur pour l’identité culturelle de la France, son aura internationale et sa place dans la culture mondiale. Mais, plus encore, nous nous devons, face aux tensions internationales et aux tentations populistes, de résister.

(Texte publié avec l’aimable autorisation de Beaux Arts magazine)