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Béatrice Englert

Béatrice Englert peint sans modèle de multiples têtes, en puisant inlassablement autour d’elle et dans son passé, le souvenir d’autant de profils entrevus, réinventés et sertis sur des supports marbrés et embrumés. Réceptacle des replis enfouis de nos semblables, son œuvre nous dit avec pudeur des choses essentielles sur la nature humaine.

Information

Communiqué
Jean-Luc Chalumeau
Béatrice Englert

Les peintures de Béatrice Englert entrouvrent un espace intériorisé où tout, des couleurs et des formes, semble amorti, dilaté, et rendu dans un flottement qui inspire une sorte de retenue du temps. Ce qui nous rend à la fois proches et lointaines, ces images est l’air trouble, presque tremblé, qui les baigne et fait songer à l’écart qui sépare le cri de son écho. Ces portraits, ces couples ou ces groupes, sont pris dans une masse de silence, mais ce silence englobant est encore tout vibrant de l’exclamation qu’il étouffe. Et encore que, bien plutôt qu’une clameur différée, ce mutisme semble une macération…

En phase d’apparition, les figures dont Béatrice Englert peuple son univers demeurent encore enserrées derrière une cloison d’écorce translucide engluée dans leur bulle de lymphe et saisies lors du prélude au lent travail de la mue. Mais ces têtes massives, parfois presque dévitalisées à force de tension contenue, n’énoncent-elles pas davantage la violence d’un retrait que la promesse d’un avènement, l’ébauche d’une éclosion?

L’aspect inachevé des formes et les halos de couleur qui les estompent et les étirent confèrent à ces faciès aux traits fondus, au calme noué des postures, paradoxalement, une intense expressivité de leur saisie, dans des salles d’attente ou des transports, lorsque toute communication est suspendue et la pensée ainsi abandonnée à sa vacuité, les visages se montrent alors sur le point de s’effacer, échappant à leur révélation imminente, car c’est comme si un surcroît de présence les portait vers le dénuement absolu au bord de l’absence.
Jean-Pierre Chambon