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Baselitz : meine neue Mütze

Des toiles rondes, portraits de grand format au dessin fin, présentés la tête en bas. Une œuvre marquée par le réalisme socialisme, le stalinisme, dont elle reprend les codes. Une œuvre tenant compte d’un passé, d’une mémoire, d’une expérience qui se placent au delà du sujet, lequel est toujours renversé et de fait, passe au second plan.

— Éditeur : Galerie Thaddaeus Ropac, Paris
— Année : 2002
— Format : 24,50 x 30,50 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : 48
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-910055-14-0
— Prix : non précisé

Georg Baselitz : qu’est-ce qu’un tableau ?
par Éric Darragon (extrait, p. 19)

La question a souvent été posée par l’artiste, notamment en 1982 sous cette forme : « Assis sur ma chaise, je tirai sur ma chaussette et ma tête roula devant mes pieds — immédiatement elle se mit à parler avec moi à peu près comme ceci : c’est un tableau ça ? » Devant les tableaux ronds apparus au cours de l’été 2001, après de nombreuses toiles sur un format rectangulaire dont les motifs étaient empruntés à la peinture soviétique des années trente à cinquante, il n’est pas inutile de rappeler que la réponse reste avant tout la même, à savoir qu’un tableau est une chose qui permet d’entrer en conversation avec soi-même et d’établir un lien avec le passé. (…)

Au cours de l’année 1995, les Russendilder ont commencé à prendre de l’importance pour des raisons qui tiennent à l’achèvement en 1995 de la grande suite kaléidoscopique du Bildübereins comprenant un ensemble de trente-neuf éléments de grand format. À cette date, Baselitz a cherché une nouvelle relation avec le passé lui permettant d’aller de l’avant. Les Portraits de famille qui reformulent l’expérience vécue en Saxe, au lendemain de la guerre, dans le village dont le peintre prendra le nom plus tard, ont eux-mêmes engendré une série de relations nouvelles avec d’autres images, le surréalisme de Max Ernst (Wir besuchen den Rhein, 1996), I’art populaire slave, les motifs religieux, la peinture sur verre slovaque. Des souvenirs anciens ont été ravivés par les événements liés à la réunification mais l’artiste n’a jamais cherché à peindre des souvenirs. Il a voulu trouver à nouveau son matériau, celui qui était déjà là de manière souterraine, pour l’éprouver dans un processus de transformation qui a pris une ampleur étonnante. Rien n’est jamais décidé ou programmé, ce sont des développements qui ont lieu sans que le peintre ne leur assigne une signification ou un but. On a vu la peinture à l’huile devenir plus fluide, la technique de travail au sol s’est rapprochée, sur grand format, de celle de l’aquarelle, excluant les reprises, les contours, les ombres, réduisant le délai d’exécution, la nature des couleurs a changé aussi en intensité, le dessin est devenu fin comme une écriture à l’encre à la manière orientale, le processus de variation s’est lui aussi exacerbé, notamment dans les aquarelles sur papier qui ont pris une intensité remarquable, ou encore les gravures. Une nouvelle limite a été franchie dans cette recherche permettant au tableau d’être avant tout le « mécanisme pensant » et non une pratique destinée à rendre visible le talent acquis. Ce que l’artiste ne cesse de traquer et de dénoncer de manière virulente.

(Texte publié avec l’aimable autorisation de la galerie Thaddaeus Ropac)