ÉCHOS
16 Déc 2010

Banksy: le street art face à ses contradictions

PElisa Fedeli
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Le film documentaire Faîtes le mur!, réalisé par le graffeur Banksy, incarne les suspicions de certains quant à la reconnaissance du graffiti. Originellement dissident, il s’est transformé en un art, que la récupération médiatique et marchande ne réflète pas dans sa réalité.

Street art, graffiti, art urbain, … nombreuses sont les appellations de ce domaine qui, depuis quelques années seulement, commence à être reconnu dans le milieu artistique. Si l’on veut bien voir plus loin que son côté rebelle, il est évident que le street art est un univers où fleurissent des techniques novatrices et des manières inédites de jouer avec l’espace.

La dernière coqueluche en date est le graffeur britannique Banksy. Nul ne connaît son identité, qu’il s’efforce depuis ses débuts de dissimuler, afin de cultiver l’anonymat cher au monde du graff’. Artiste engagé et pacifiste, il a réussi à marquer de son passage des zones stratégiques du monde politique, telles que le «Mur de la honte» en Cisjordanie qui sépare israëliens et palestiniens. Ses pochoirs sont des invitations à casser les clivages et à regarder poétiquement le monde. Trublion du monde artistique, il ne recule devant rien, pas même l’envie d’accrocher, lui-même et sans invitation, ses propres toiles pompeusement encadrées aux cimaises des plus grands musées du monde! Histoire de dire que le graff a aussi ses artistes.

Aujourd’hui, son nouveau coup d’éclat est Faîtes le mur!, un film aux allures de documentaire, qui sort en salles le 15 décembre 2010. Le film raconte l’histoire de Thierry Guetta, un vendeur de fripes à Los Angeles, qui traque caméra au poing les échappées nocturnes et périlleuses des graffeurs de la ville. Une partie du film a été tournée il y a une dizaine d’années, lorsque le street art n’était pas encore un phénomène de mode. On y croise notamment Space Invader, le créateur des petites mosaïques en forme d’extra-terrestres ainsi que Shepard Fairey alias Obey, avant qu’il ne devienne célèbre grâce à la campagne publicitaire du président américain Obama.
La seconde partie du film est une critique cynique du marché et du marketing industriel qui s’est formé autour du street art. Thierry Guetta se lance dans une carrière artistique improvisée, en produisant de pâles copies de ce qui se fait dans la rue.

Une façon pour Banksy de dire que le marché ne valorise pas le meilleur mais des contrefaçons. Les quelques stars du marché ne cachent-elles pas en effet un vivier d’artistes graffeurs bien plus créatifs? Que devient une contre-culture quand elle aspire à devenir culture et qu’elle est récupérée par un milieu qui ne connaît pas bien ses codes? Telles sont les questions posées par ce film. En somme, ce sont les contradictions de Banksy lui-même, artiste anti-conformiste collectionné par les ténors les plus conservateurs de la City.

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