PHOTO | CRITIQUE

Bal

PElise Heinrich
@12 Jan 2008

En photographiant dans l’Est de la France, à l’aide de l’obsolète Polaroïd SX 70, des structures mobiles de bals populaires, Joffrey Pleignet fait se rejoindre un matériau photographique particulier et les sujets des images.

C’est avec des agrandissements numériques de polaroïds de Joffrey Pleignet que la galerie Philippe Chaume débute la saison: vingt clichés de bals itinérants — disco-mobiles — pris dans l’Est de la France en 1993 et 1994.

Les architectures photographiées sont éphémères, rapidement assemblables et démontables. On éprouve d’emblée une impression de familiarité, à cause de la lumière délavée de l’automne ou de l’hiver? Des souvenirs du polaroïd très populaire il y a trente ans? Ou encore de la nature archétypale de ce travail photographique?

De façon finalement assez simple se combinent dans les images les traits du rêve américain — avec ses étendues quasi désertiques, ses grands ciels nus et les enseignes «Floyd», «Kiss», «Zuma Beach» —, et ceux du bal populaire. Mais les images sont traversées par un vide — aucun individu ne figure sur ces lieux de fête —, ainsi que par une interrogation: impossible de savoir si les clichés ont été pris avant ou après la fête.
Les structures acquièrent ainsi une autonomie, et les images nous transportent dans un ailleurs à la fois familier et déconcertant où se mêlent le kitch, le désuet, l’intemporel et l’humour.

Joffrey Pleignet exploite esthétiquement les effets d’une pratique photographique désormais obsolète, puisque le polaroïd SX 70 n’est plus ni produit ni vendu, et qui n’a d’ailleurs jamais acquis de véritables lettres de noblesse.
Le matériau photographique rejoint ainsi les sujets des images: ces parquets de bals qui sont toujours restés dans les limbes de la culture populaire et provinciale.

Cette rencontre entre un matériau, une esthétique et les sujets des images convergent pour sortir de l’oubli et de leur invisibilité ces lieux ordinaires et surannés de la culture populaire en leur conférant une éloquence poétique.

Joffrey Pleignet
— Sans titre, série «Bal», 1994-95. Polaroid. 15 x 15 cm.
— Sans titre, série «Bal», 1994-95. Polaroid. 15 x 15 cm.
— Sans titre, série «Bal», 1994-95. Polaroid. 15 x 15 cm.
— Sans titre, série «Bal», 1994-95. Polaroid. 15 x 15 cm.
— Sans titre, série «Bal», 1994-95. Polaroid. 15 x 15 cm.
— Sans titre, série «Bal», 1994-95. Polaroid. 15 x 15 cm.
— Sans titre, série «Bal», 1994-95. Polaroid. 15 x 15 cm.

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