LIVRES

Art Press n°288

La revue spécialisée en art contemporain consacre un dossier sur l’Ircam, institution au croisement des recherches musicales et esthétiques. Critiques de livres et d’expositions sont complétées d’articles sur les artistes Ron Mueck, Yinka Shonibare et Bettina Rheims.

— Directrice de la rédaction : Catherine Millet
— Éditeur : Art Press, Paris
— Parution : mars 2003
— Format : 28,50 x 22 cm
— Illustrations : nombreuses, en couleurs
— Pages : 98
— Langues : français, anglais
— ISSN : 0245 5676
— Prix : 6,20 €

Éditorial : l’Ircam, grand ouvert
par Catherine Millet

Il existe des institutions qui marchent, nous en avons visité une. Mais les idées toutes faites ont la vie dure. Il arrive encore qu’on entende à l’encontre de l’Ircam les mêmes reproches qu’au moment de sa création, il y a vingt-cinq ans ! Trop d’argent, pour trop peu de compositeurs et de chercheurs, et pour presque rien de musique produite… Contempteurs, mettez vos horloges musicales à l’heure. L’Ircam n’est pas un huis clos : quelque cent cinquante compositeurs y sont venus travailler et chaque concert (certains donnés à l’Opéra Bastille, à la Cité de la Musique, au Châtelet) accueille entre deux et trois cents spectateurs. Surtout, l’institution en partie enterrée sous le plateau Beaubourg (ce que certains interprétaient comme le symbole du repli sur soi) est un modèle d’ouverture. Sous l’impulsion de Laurent Bayle, son second directeur, successeur de Pierre Boulez, l’Ircam a commencé à organiser régulièrement des rencontres : le Forum qui rassemble tous les utilisateurs des logiciels qui y sont créés, les festivals Agora et Résonance, l’Académie d’été. Il a mis en place un département pédagogique et les recherches qui y sont poursuivies trouvent des applications aussi bien dans les autres arts que dans l’industrie. Grâce à quoi, l’Ircam assure un peu plus d’un tiers de son budget avec ses ressources propres (3,5 millions d’euros, pour 6,5 de subventions). Enfin, toujours pour faire tomber un cliché, l’Ircam est ouvert à toutes les musiques, ce qui signifie aussi les musiques populaires. Vous l’ignoriez ? C’est bien que l’Ircam ne travaille pas dans un esprit démagogique. Dans une interview récente, Boulez se souvenait que lorsqu’il allait à New York après la guerre, il habitait chez John Cage [dans le dernier n° de Rézo, revue de l’Afaa]. (C’est un peu comme si l’on nous apprenait que Soulages profitait parfois du lit d’appoint chez Filliou.) Le goût des échanges et de la collaboration était donc inscrit dans la culture de l’Ircam bien avant qu’il ne soit fondé

L’lrcam est une petite institution : en effectif et en budget, elle équivaut à environ 10 % des effectifs et du budget du Centre Pompidou. Elle a eu la chance de voir se succéder des directeurs remarquables et qui se sont transmis le relais en parfaite intelligence : Boulez bien sûr, puis Bayle, aujourd’hui le philosophe Bernard Stiegler [Cf. son interview dans notre n° 276, février 2002]. Elle bénéficie aussi d’une bonne autonomie puisqu’elle est une simple Association loi de 1901, reconnue d’utilité publique, associée au Centre Pompidou. Enfin, elle est d’abord conduite par l’esprit de recherche, ce qui entretient la passion. Il suffit de pointer son nez à l’un des séminaires hebdomadaires pour le comprendre. Bien sûr, toutes ces données ne seraient pas envisageables au sein d’une beaucoup plus grosse institution. Mais pourquoi ne pas regarder quand même l’Ircam comme un petit poisson-pilote ?

(Texte publié avec l’aimable autorisation d’Art Press)