LIVRES

Arnaud Théval. Proximités

«Proximités» : un travail sur le groupe en entreprise et les identités au sein de ce groupe (Chantiers de l’Atlantique à Saint-Nazaire). Chaque individu, détouré, se juxtapose à d’autres, pour former une foule anonyme de travailleurs en pleine activité. Une mise en page originale qui reprend le principe des fenêtres d’ordinateur ouvertes les unes sur les autres.

— Éditeurs : Joca Séria, Nantes / Le Grand Café, Saint-Nazaire
— Année : 2003
— Format : 24 x 19 cm (avec les spirales)
— Illustrations : nombreuses, en couleurs et en noir et blanc
— Pages : non paginé
— Langues : français, anglais
— ISBN : 2-84809-001-4
— Prix : 20 €

Figures de proximités
par Emmanuel Hermange (extrait)

Chaque fois la proposition d’Arnaud Théval est de produire une image partielle et en mosaï;que d’un groupe [le terme «communauté» est souvent employé comme synonyme de «groupe». J’assumerai la répétition de ce dernier, seul hypernonyme possible pour décrire la variété des entités avec lesquelles Arnaud Théval travaille. Car, même si aujord’hui l’exploitation de l’ouvrier dans l’entreprise révolte moins que son exclusion, on ne saurait assimiler les personnes qui composent une entreprise à une communauté, c’est-à-dire à un «groupe social dont les membres […] ont des biens, des intérêts communs» (Le Petit Robert)], et son dessein d’inscrire ensuite cette représentation dans l’espace où vit et agit ce groupe. Ainsi, au mode de saisie «à la volée», propre au reportage, qui prévalait dans la série «Flottements», est substitué un protocole établi avec un modèle qui livre moins son image que l’image de son corps en mouvement, grâce à quelques pas de marche [on se souvient que pour libérer ses modèles des conventions de la pose, dans les années cinquante, Philippe Halsman, portraitiste pour Times et Life, leur demandait de sauter]. N’était la distance avec le portrait qu’introduit la marche du modèle, ce protocole photographique serait assez proche des «portraits négociés» — que Michel Séméniako pratique depuis 1983 avec des groupes sociaux [Michel Séméniako, Idebtité/activité, portraits négociés d’agents EDF, Paris : Caisse centrale d’activités sociales du personnel des industries électriques et gazière, 1999]. Chez Arnaud Théval, chaque personne photographiée devient une ou parfois plusieurs figures de la mosaï;que [le terme «mosaï;que», que j’emploierai désormais, me semble bien décrire les assemblages d’Arnaud Théval, leur façon de se tenir entre motif et image] finale, où elle peut apparaître aussi bien de face que de dos. Il détoure chaque figure avant de lui trouver sa place dans un espace de représentation régi par une perspective approximative. Autant d’opérations qui annulent l’illusion référentielle propre à la photographie ; à tout le moins la mettent-elles en relief.

(Texte publié avec l’aimable autorisation des éditions Joca Séria)

L’auteur
Emmanuel Hermange est critique d’art. Il enseigne à l’École supérieure d’art de Grenoble et à l’université Paris VIII. Il a publié quelques textes (dans Études photographiques, Romantisme, Journal of European Studies…) sur l’histoire de la photographie, sur ses relations avec le langage en particulier, et écrit désormais sur les pratiques artistiques contemporaines usant d’images fixes ou en mouvement (dans divers ouvrages monographiques ou périodiques comme Artpress ou Parachute).