ÉCHOS
07 Jan 2011

Archives Nationales: le personnel reconduit l’occupation des lieux

PElisa Fedeli
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Le personnel des Archives Nationales a voté à l’unanimité la poursuite de l’occupation de l’Hôtel de Soubise. Sans interruption depuis 112 jours, il manifeste en effet sa ferme opposition au nouveau projet présidentiel: l’implantation sur le site des Archives Nationales d’une future Maison de l’Histoire de France.

«Une maison, et non un musée, qui aura pour ambition de rendre toutes les facettes de notre histoire accessibles: ses ombres et ses lumières, ses grands noms et ses inconnus, ses passages obligés comme ses chemins de traverse». C’est ainsi que le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, définit le projet de la Maison de l’Histoire de France, dont l’implantation est prévue pour 2015 sur le site des Archives Nationales à Paris.

Dès son annonce en septembre dernier, le projet a déclenché incompréhensions et craintes. Celles-ci se cristallisent autour de trois enjeux majeurs.
En premier lieu, la question de la mise en valeur des Archives Nationales se pose. L’institution manque cruellement de place, c’est pourquoi l’Etat a lancé la construction d’un nouveau centre à Pierrefitte-sur-Seine. Il était prévu qu’y soient entreposées les archives contemporaines tandis que l’espace libéré à l’Hôtel de Soubise serait destiné à la consultation des archives anciennes. Ce redéploiement semble compromis, le projet de la Maison de l’Histoire de France venant amputer les Archives Nationales d’une partie de leurs locaux. Outragé par cette perspective, le personnel occupe les lieux depuis 112 jours et a recueilli plus de 7000 signatures au moyen d’une pétition. Face à cette mobilisation tenace, le cabinet du ministre a menacé de reporter la prochaine exposition prévue sur le site, «Les Menus Plaisirs du Roi». «C’est un chantage ignoble», dénonce l’intersyndicale (20 minutes, 6 janv. 2011).

En second lieu, on est en droit d’interroger la nécessité d’une telle institution, alors qu’il existe des milliers de musées d’histoire en France. Pour Laurent Gervereau, qui a travaillé à un inventaire collectif des musées d’histoire en France, «le paysage est effectivement très encombré mais pas du tout rationalisé. Il faut donc associer de façon ouverte les historiens d’abord. Ce doit être leur lieu». Si Frédéric Mitterrand qualifie le projet comme «une chance pour la recherche», peu d’historiens ont été consultés jusqu’à présent par le gouvernement.

Enfin, la question cruciale est celle du contenu de cette Maison de l’Histoire: pourquoi se limiter à la France, à l’heure d’une vision européenne et mondialisée? Les détracteurs du projet mettent en évidence le risque d’instrumentalisation de l’histoire à des fins politiques et craignent la création d’un mausolée du roman national. Pour François Loncle, député de l’Eure, la Maison de l’Histoire de France est «une entreprise fumeuse» et «elle s’inscrit dans le prolongement du nauséabond débat sur l’identité nationale. La politique historique de Nicolas Sarkozy vise à justifier et promouvoir une nation française homogène et monolithique» (Le Monde, 21 oct. 2010).

Pour Vincent Duclert, «le vide comblé par le projet présidentiel découle d’une certaine impuissance à penser la représentation que pourrait prendre l’histoire, hors de l’école ou de la recherche» (Le Monde, 21 oct. 2010). Enseignant-chercheur à l’EHESS, Vincent Duclert a pris l’initiative de rassembler plusieurs chercheurs, professeurs, conservateurs et documentalistes pour former un groupe de travail indépendant sur la Maison de l’Histoire de France. Un premier rapport, avec propositions et recommandations, sera publié début janvier.

«Chance pour la recherche» selon les uns, «Projet dangereux» selon les autres… La polémique continue et a le mérite de soulever les enjeux de fonds d’un tel projet, qui ne peut se penser à la légère et dans la hâte.

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