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Archie Shepp et Anne Teresa de Keersmaeker

PNicolas Villodre
@10 Sep 2008

Archie Shepp contre Anne Teresa de Keersmaeker…Une rencontre qu’on attendait brûlante, voire explosive, et qui s’est consumée tel un feu de Bengale.
 

Quand on a vu l’affiche, Anne Teresa De Keersmaeker versus Archie Shepp, on a aussitôt demandé une place à l’aimable Hamid Si Amer, le chargé des scribouillards à La Villette et ailleurs — à Pleyel, par exemple. Malheureusement, la « rencontre » annoncée par le programme n’a pas eu lieu. L’affiche n’a pas tenu parole. Pas de match, donc. Pas d’échange entre les deux figures de l’art moderne. Mais des pièces rapportées, déléguées par le jazzman à un couple de performers excentriques et par la chorégraphe flamande à un apprenti danseur, frais émoulu de l’école bruxelloise Parts, un certain Salva Sanchis, qui a fait, certes, ce qu’il a pu, pour limiter la casse, mais sans grand brio. Le maestro du sax ténor s’est borné à faire les présentations, déguisé en M.C. de la soirée, au côté de ses deux comparses inattendus et folkloriques, Mimlu Sen et Paban Das Baul. Le D.J., en régie, a été chargé de diffuser deux disques : une musique indienne de Hariprasad Chaurasia, Raag Khamaj, et une version intégrale et, du coup, tombant comme un cheveu sur la soupe, du standard de John Coltrane, A Love Supreme. Bref, tout sauf du « live ».

Le texte anonyme du programmateur évoquait pourtant, sur la plaquette à tête de mort, « un jazz dialoguant avec des plasticiens, des chorégraphes, etc. ». Que nenni ! Mimlu a fait briller le bronze de ses crotales en les faisant tintinnabuler avec la régularité d’un métronome. Shepp a lancé, en guise de service partiel ou de minimum syndical, quelques phrases bien senties sur un saxophone soprano droit, histoire de montrer de quel bois il se chauffe encore à l’occasion. Le danseur, sans complexe, s’est mesuré à l’immense plateau conçu pour accueillir une armée de break-dancers. Paban Das Baul a longuement cabotiné : il a sorti de sa housse une cithare amplifiée et s’est pris pour le Ravi Shankar de la crèche ! Pis, comme un crooner gratiné, il en a poussé une dans le style bollywoodien des années 70. On a alors compris que Shepp avait changé de flutiot uniquement pour tenter de s’accorder au ton dans lequel se situe le couple d’Hindous.

Tout le monde s’est senti frustré, floué, joué, y inclus les jazzophiles à qui, d’habitude, on ne la fait pas comme cela, y compris les nostalgiques de la danse contemporaine du Théâtre de la Ville, venus en masse et en messe, public inconditionnel qui a toujours applaudi tout et n’importe quoi. Le solo de Miss De Keersmaeker, redevenue danseuse pour cet event, cendrillon d’un soir, élégante dans sa robe virginale plissée, a été fluide et bien interprété. Le problème n’est pas là. La thématique, curieusement, avait aussi à voir avec l’Inde — la notion de mudra a été explorée en tous sens. Bref, on a eu tout sauf du jazz. Les chorégraphes, comme les musicos, étaient hors sujet.

Le quatuor final sur le thème coltranien,  lui aussi, a déçu. Le lyrisme du disque paraissait pour le moins forcé, en décalage, en déphasage face à la pauvreté gestuelle des danseurs de blanc vêtus. On s’est dit qu’Archie aurait pu au moins se mêler à eux et rattraper ce qui pouvait encore l’être. La danse nous a vraiment paru pesante. Tout sauf cool. Tout sauf spontanée. Tout sauf libre.

 

1ère partie : Salva Sanchis / Archie Shepp

— Compositions, saxophone : — Archie Shepp
— Chorégraphie, danse : Salva Sanchis
— Kartalas, ektara : Mimlu Sen
— Chant : Paban Das Baul

2e partie : Raag Khamaj / Anne Teresa De Keersmaeker

— Chorégraphie, danse : Anne Teresa De Keersmaeker
— Chorégraphie : Salva Sanchis
— Musique enregistrée de Raag Khamaj, Hariprasad Chaurasia – Raag Khamaj
— Décors, éclairages : Jan Joris Lamers
— Costumes : Anke Loh
— Technique : Simo Reynders, Tom Van Aken
— Assistant à la direction artistique : Anne Van Aerschot

3e partie : A Love Supreme / Rosas

— Chorégraphie :
Anne Teresa De Keersmaeker
— Chorégraphie, danse : Salva Sanchis
— Musique enregistrée : John Coltrane – A Love Supreme
— Danse : Cynthia Loemi, Moya Michael danse, Igor Shyshko
— Décors, éclairages : Jan Versweyveld
— Costumes : Dries Van Noten
— Technique : Simo Reynders, Tom Van Aken

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