ART | CRITIQUE

Archéologies

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Quatre artistes dont les travaux tissent des liens avec le passé. Quatre déclinaisons qui sont autant de parcours vers une mémoire enfouie que l’on fait remonter à la surface.

L’archéologie s’occupe des choses anciennes et plus particulièrement de l’antiquité. Sans remonter aussi loin, les quatre artistes présents à la Galerie Zürcher tissent des liens avec le passé. Ces quatre déclinaisons, d’où le pluriel du titre de l’exposition, sont autant de parcours vers une mémoire enfouie que l’on fait remonter à la surface.
Explicite ou non, ce retour de mémoire proche et personnelle est présent dans chacun des travaux. Les rencontres entre les vidéos, les photos, les dessins, les collages et les peintures s’opèrent et donnent du sens à ce qui n’était qu’au départ qu’un titre d’exposition de groupe.

Marc Desgrandchamps avec une palette du calque propose une peinture de la surface et des profondeurs. Les trois travaux présentés ne dérogent pas à la règle. Les dégoulinures de peinture sont autant de paravents qui voilent la toile. Les corps et le paysage se confondent. En multipliant les effets de surface, qui sont autant d’ombres projetées, le peintre nous place dans l’antichambre de la peinture.
Son univers est flottant, c’est un interstice. Ces effets de voiles, qui dissimulent autant qu’ils dévoilent, sont une façon d’appréhender l’archéologie comme la science des strates. Les couches de peinture se superposent sans s’opposer et proposent un art du recouvrement.

Ce jeu de réécriture s’aperçoit également chez Florian Merkel avec sa série Berlin Ballet. Ses photographies sont en noir et blanc et recoloriées. Le résultat ressemble à ces films d’un autre temps que l’on a voulu mettre au goût du jour. Face à ces photos maquillées et peintes, nous assistons à une mémoire qui se grimme, qui se masque. Nous sommes devant un passé qui se recompose en choisissant le travestissement.

Avec Archeology/Livestock, le mot clef de l’exposition verse dans la gémellité. La mémoire n’est plus une couche, ni du «make-up», mais devient un autre moi-même. La mémoire se clone pour devenir double. La vidéo présente deux petits garçons qui se toisent, se battent, boivent un verre de lait. Sont-ils frères? Jumeaux? En tout cas le résultat est plus du côté du miroir que de la différence.

Les deux films de Sarah Rapson projetés l’un à côté de l’autre sont peut-être les travaux les plus intéressants du parcours archéologique proposé par la galerie. Les aspects du calque, du recouvrement et du double se retrouvent à l’intérieur de cet écran double. L’artiste se produit dans les institutions muséales et officielles en proposant un regard et une attitude face à ces grosses machines.
Les documents sont des auto-fictions autant que des autoportraits. L’artiste se met toujours en scène, mais prend toujours soin de se perruquer. Les deux films tournés indépendamment sont réunis et se font écho. On glisse de l’un à l’autre, on se perd en essayant de suivre cette silhouette fuyante à travers le grain grossier du film en noir et blanc. Cette richesse d’interprétation se retrouve dans ses collages de photos, le même souci du montage est présent.
Tout en gardant une vraie originalité et un style propre, on ne peut s’empêcher face à ce travail de penser à trois autres figures mythiques de l’art qui sont Sophie Calle, Sherry Levine et Cindy Sherman.

Florian Merkel
Série «Berlin ballet»
— Vorwärts, 2001. Photo tirage barité rehaussé de couleurs. 130 x 100 cm.
— Wehrbeitrag, 2001. Photo tirage barité rehaussé de couleurs. 130 x 100 cm.
— Dialog, 2001. Photo tirage barité rehaussé de couleurs. 45 x 60 cm.
— Sxhamane, 2001. Photo tirage barité rehaussé de couleurs. 60 x 45 cm.
— Mitbestimmung, 2001. Photo tirage barité rehaussé de couleurs. 60 x 45 cm.

Sarah Rapson
— Cathcart Hill, 2000-2001. Film super 8 transféré sur DVD. 7 mn 30 s.
— The Progress of Love, 2000-2001. Film super 8 transféré sur DVD. 3 mn 38 s.
— Love is Everywhere (Inaugurazione esposizione Lucio Fontana), 2000. Collage et encre sur papier. 28 x 13 cm.
— Love is Everywhere (Noland), 2001. Collage et encre sur papier. 16,6 x 11,8 cm.
— Love is Everywhere (Whitney), 2001. Collage et encre sur papier. 15,5 x 16, 5 cm.

Marc Desgrandchamps
— Sans titre, 2001. Huile sur toile. 200 x 140 cm.
— Sans titre, 2002. Huile sur toile. 55 x 46 cm.

Marc Bauer
— Archeology/Livestock, 2001. Vidéo.
— Sans titre (L’école) . Crayon sur papier. 70 x 68,5 cm.
— Sans titre (Trophées) . Crayon sur papier. 70 x 68,5 cm.
— Répétitions. Crayon sur papier. Ensemble de 19 dessins de 30 x 40 cm.

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