ART | CRITIQUE

Arcadia

PNicolas Villodre
@23 Nov 2008

L’Arcadie, région de la Grèce au cœur du Péloponnèse au bord de la mer Egée, historiée de monts marbrés et schisteux, tire son nom d’Arcas, patronyme proche de celui d’arktos voulant dire « ours » en grec ancien...

Arcas, fils de Zeus et de Callisto, fut changé à sa mort en constellation — celle dite de la Petite Ourse. Le dieu des bergers, Pan, serait également originaire de cette région.
L’Arcadie (1590), essai pétrarquiste d’analyse des sentiments dû à sir Philip Sidney, brode autour des personnages mythologiques. Bernardin de Saint-Pierre, à la suite de Cervantès, associe l’Arcadie (1781) au paradis terrestre. Les peintres n’ont cessé de traiter du thème, de Greuze à Fernand Léger.

L’Eden — âge d’or, temps fort, des copains, de l’aventure ou de l’innocence — n’est pas seulement prétexte à exploration picturale, il donne matière à réflexion et cette réflexion porte plus qu’à son tour sur la matière du tableau. La peinture n’est-elle pas un rêve révolu ? Beaucoup de bruit pour rien ? Que de temps perdu pour peu de gain ? La peintre ou la peintresse ignore, ou feint d’ignorer, ces questions, évite l’aporie, cela vaut peut-être mieux ! surmonte l’inhibition qui tue le projet dans l’œuf.
Whitney Bedford, pour être plus précis, ne se situe pas, n’a jamais fait dans le premier degré de l’artiste face à son motif. Elle trimballe dans son chevalet des munitions conceptuelles, de quoi donner le change, le cas échéant, en se référant à l’histoire de l’art ou à la sienne propre.

Elle fait dans la peinture de genre : des paysages, des marines, des cieux étoilés de volatiles succincts, suggérés, hachurés, sur fond rouge, par exemple, d’autres fois ultra violet, placés plus haut qu’à l’habitude comme pour faire un clin d’œil au regard même de l’observateur. Romantique expressive, elle lisse, vernit, astique et cire ses toiles composées de grandes plages monochromes hérissées de traces de brosse à reluire.

Lorsque Whitney Bedford le décide, elle dessine. Lorsqu’elle dessine, elle peint encore. En noir et blanc. Des thèmes du bon vieux temps de l’éternel retour. Des faits divers et pas si variés que cela. Elle donne volontiers dans le sous-genre des naufrages géricaldiens et des radeaux de rescapés médusés inspirés par des clichés trouvés dans de vieux journaux, recadrées et démesurément agrandies.

Des gravures d’Epinal nous présentent des noyés et des victimes d’hydrocution croqués dans le style des xylographies dürériennes revues et corrigées par le pop’art. Whitney Bedford fait du Hogarth, pas du William, plutôt du Burne.

Démocrate, comme tout un chacun, Whitney Bedford a mis en exergue à son exposition la première page du NY Times avec une photo du nouveau couple présidentiel, celui qui cassa la baraque dans l’Alabama comme dans l’Illinois, quelques jours avant le vernissage de la galerie Art : Concept.

Les peintures pures alternent avec des dessins rétro, comme ce portrait de moustachu 1900, au look vaguement proustien. Les traces de pinceau sont des coquetteries assumées par l’artiste. La mythologie du Nouveau monde se juxtapose à celle de la Grèce antique. Une jeune femme, nommée non pas Désir mais Léda, rapproche une bestiole informe de sa bouche. Est-ce du pâté d’alouette ou du foie gras d’oie ou un tout autre cygne ?

Whitney Bedford
— Arcadia, 2008. Encre et huile sur bois. 101,5 x 132 cm.
— Blue Birds, 2008. Encre et huile sur bois. 38 x 46 cm.
— Untitled (Landia), 2008. Techniques mixtes sur bois. 46 x 56 cm.
— Untitled (Yellow Storm),  2008. Encre et huile sur bois. 56 x 66 cm.
— Tesla (Blue/Yellow), 2008. Encre et huile sur bois. 46 x 38 cm.
— Lost / Found, 2008. Encre sur toile sur bois. 213 x 244 cm.

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