ART | CONFERENCE

Après-coup – Ce que l’art fait à l’économie

23 Mar - 23 Mar 2009

Suite à la publication récente du livre-catalogue Money, ainsi que de l’Economie des singularités de Lucien Karpik, Laurent Jeanpierre reviendra avec ce dernier et l’artiste Julien Prévieux sur ce que l’art fait à l’économie.

Laurent Jeanpierre, Lucien Karpik et Julien Prévieux
Après-coup – Ce que l’art fait à l’économie

Lundi 23 mars à 19h – entrée libre
Laurent Jeanpierre invite Lucien Karpik et Julien Prévieux sur le thème : ce que l’art fait à l’économie.

La Fondation d’entreprise Ricard vous invite à « Après-coup » une série de rendez-vous mensuels, dialogues sur l’actualité de la pensée contemporaine.  « Après coup » propose un exercice critique de l’actualité en appui sur des événements permettant de révéler certains traits distinctifs du contemporain.

Suite à la publication récente du livre-catalogue Money (London, Thames & Hudson, Artworks series, 2004) de Katy Siegel et Paul Mattick Jr., ainsi que de l’Economie des singularités de Lucien Karpik, Laurent Jeanpierre reviendra avec le sociologue Lucien Karpik et l’artiste Julien Prévieux sur deux mouvements de la pensée et de l’art actuels : « d’une part des économistes tournés vers les transactions des mondes de l’art afin de développer une approche plus réaliste des marchés et d’autre part des artistes représentant, détournant et se réappropriant la théorie économique, ou bien les interactions sociales des marchés, afin de développer une création plus consciente de ses entraves comme de ses possibilités » (texte intégral ci-dessous).

Il est fréquent de dénoncer les effets néfastes du marché sur le monde de l’art, soit que la variabilité des prix entre artistes bouscule l’ordre esthétique et les jugements de goût, soit que les vicissitudes de la conjoncture économique affectent violemment – comme aujourd’hui – les revenus des acteurs de l’art et, en dernière instance, les possibilités créatives des artistes.

Que le marché des oeuvres enfle ou qu’il se rétracte, la représentation domine d’une passivité de l’art face à la fatalité apparente de l’économie. Il faudrait défendre la création la plus indépendante, ne pas céder aux sirènes de l’argent et aux pressions productivistes, ne pas être dupe des inflations spéculatives et résister aux arbitraires marchands ou bien encore se rétracter autant qu’il est possible des relations de marché, etc. Il s’agit à chaque fois de réagir, mais nulle part, ou presque, il n’est question d’agir, c’est-à-dire de transformer, autrement qu’à sa marge, l’économie.

Nulle part, sauf peut-être chez les économistes eux-mêmes qui, plus nombreux depuis quelques années, s’intéressent de près aux marchés de l’art et de la culture parce que les transactions n’y semblent pas soumises aux lois de la théorie économique standard. Comment expliquer, par exemple, qu’une hausse considérable du prix d’une oeuvre, loin de décourager la demande, puisse l’accroître ? Et comment comprendre qu’un jeune artiste inconnu et sans attache puisse, de l’autre côté du marché, tout de même trouver preneur ?

Parce que la production et la consommation d’art déjouent les régularités ordinaires de l’offre et de la demande, l’art fait encore figure de mystère pour les économistes. Le fonctionnement des marchés de l’art témoigne ainsi de l’ancrage social et matériel de tout échange marchand, la plupart du temps oublié ou dénié : plusieurs intermédiaires sociaux et techniques (galeristes, commissaires, critiques, mécènes, plateformes internet, etc.) sont nécessaires pour que se forment des préférences et des consommateurs. En rendant plus visibles des mécanismes moins perceptibles sur d’autres marchés, le monde de l’art permet ainsi de renouveler l’analyse de leur fonctionnement le plus concret.

Ainsi, à défaut d’agir déjà sur l’économie, l’art est en train de changer une partie de la science économique. Avec leurs outils spécifiques, les artistes, aussi, interrogent la vie économique et le savoir censé en rendre compte. On se souvient de la critique de l’économie politique de l’art conceptuel anglais et américain ou de la critique institutionnelle allemande autour de Hans Haacke.

On se souvient peut-être moins que Robert Filliou écrivit des rapports économiques avant de se tourner vers la création et de formuler artistiquement une nouvelle théorie de la valeur. L’argent et les mécanismes économiques ne sont pas seulement des repoussoirs pour les artistes contemporains : ils peuvent constituer des thèmes légitimes d’investigation et d’invention, comme en a témoigné, récemment aussi, la publication, passée largement inaperçue en France, du livre-catalogue Money (London, Thames & Hudson, Artworks series, 2004) de Katy Siegel et Paul Mattick Jr.

L’enjeu de cette séance est de revenir, avec deux protagonistes impliqués, sur ce double mouvement d’économistes tournés vers les transactions des mondes de l’art afin de développer une approche plus réaliste des marchés et d’artistes représentant, détournant et se réappropriant la théorie économique, ou bien les interactions sociales des marchés, afin de développer une création plus consciente de ses entraves comme de ses possibilités.

Laurent Jeanpierre est sociologue. Ses travaux portent sur les configurations sociales, les normes d’action et les politiques des mondes artistiques et scientifiques et sur leur internationalisation.

Lucien Karpik est sociologue : Ecole des Mines et Centre Raymond Aron (Ehess). Ses travaux relèvent de la sociologie politique et de la sociologie économique. Dans cette seconde direction, il propose une nouvelle théorie pour rendre compte du fonctionnement de marchés des oeuvres d’art, des produits culturels et des services professionnels. Dernier ouvrage : L. Karpik, L’économie des singularités, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Sciences humaines, 2007 ; trad. anglaise, Princeton University Press, à paraître.

Julien Prévieux est né en 1974. Il a été vice-champion de France de skate-board Freestyle en 1992.
Il est titulaire d’une maîtrise de biologie et diplômé des beaux-arts de Grenoble, Marseille et Paris. Son travail a été récemment présenté au Domaine de Kerguéhennec, à la synagogue de Delme, au Kunsthaus de
Dresde, à la 10e Biennale d’Istanbul et au San Francisco Art Institute. Il a publié Lettres de non-motivation aux éditions Zones/La Découverte en 2007. Il est représenté par la galerie Jousse entreprise, Paris.

En savoir plus : www.previeux.net / www.jousse-entreprise.com

AUTRES EVENEMENTS ART