ART | CRITIQUE

Aperçus

PNatalia Grigorieva
@12 Jan 2008

Inspiré par la photographie et par un passé autant personnel que collectif, Christian Vetter produit des scénographies d’une évidence apparemment limpide. Mais, une multitude d’éléments contribuent à créer une complexité, bien au-delà de la toile.

Des murs, des fenêtres, des maisons… Les peintures de Christian Vetter traitent avant tout de l’espace en dressant des décors sans perspective semblant fermés, presque étouffants, ne possédant aucun point de fuite qui puisse permettre à l’œil de s’échapper. Mais le mur pour Christian Vetter est bien plus qu’un simple obstacle à la vue, qu’une barrière sans imagination. L’artiste se rallie sur ce point à Léonard de Vinci qui estimait qu’un mur, dans ses reliefs, ses souillures, sa matière et ses couleurs, dissimule toujours une multitude d’images. On peut y voir des paysages, des rivières, des montagnes, des arbres, des visages: autant de choses assimilables à un seul décor, donnant naissance à une forme et une idée.

L’installation La Source illustre cette théorie. Dans un mur gris, il manque quelques briques. Une lumière rouge, émanant de l’orifice ainsi formé, attire le spectateur qui dans une attitude voyeuriste ne peut s’empêcher de jeter un coup d’œil de l’autre côté et y découvrir une scène de maison close: des silhouettes de femmes sur papier, des miroirs et au milieu une assiette remplie d’encre noire. Ici, on est face à une double signification: la révélation d’un secret, la mise en lumière de ce qui est caché dans un premier temps et dans un deuxième temps, une proposition de scène imaginaire composée par les reliefs et les motifs d’un mur de briques.
Quant à l’encre séchée, elle est révélatrice d’un autre symbole cher à Christian Vetter : le noir.

En effet, si l’artiste l’utilise constamment, ce n’est pas un hasard. Le noir l’inconnu, l’ignorance mais également l’origine des choses. L’encre forme une mare noire, les fenêtres des maisons comme celles de Fenster/Window #1 ou Sands sont toujours noires dissimulant une vie et des activités du domaine de l’intime. Et lorsque l’intérieur des maisons se révèle comme dans Lighthouse, lorsque l’intérieur s’éclaire et l’extérieur s’assombrit, on se retrouve devant une vision qui rappelle un incendie, une vision qui fait froid dans le dos sans que l’on puisse trouver la cause. Tout ce noir réparti avec parcimonie contribue à un sentiment d’angoisse qu’il est impossible d’éviter.

Noires sont également certaines périodes de l’Histoire du XXe siècle. Le temps exerce une fascination irrésistible sur Christian Vetter. En effet, celui-ci avoue avoir l’impression d’être coincé dans un présent qui s’est joué dans le passé les indices pour comprendre les problématiques actuelles, les clés pour déjouer certaines situations sont détenues par le passé dont notre présent dépend totalement. Il s’agit certainement de la raison pour laquelle les peintures semblent toujours voilées comme des photographies délavées, les couleurs obtenues par une longue exposition au soleil.

S’interrogeant sur le rôle du passé, l’œuvre de Christian Vetter se retrouve régulièrement contaminée par un épisode ayant laissé de lourdes séquelles dans la mémoire collective: la seconde Guerre Mondiale. «A-t-on bien compris comment une telle atrocité a pu se produire ?» se demande-t-il en nimbant son travail d’une teinte ouvertement politique. Flagge/Flag découle directement de ses interrogations en faisant allusion à l’imagerie nazie. Un drapeau est plié de telle sorte qu’on n’en perçoit que les couleurs: rouge, blanc et noir.

Rien de très bouleversant à priori, mais l’imaginaire recompose les branches du motif central en une croix gammée, réorganise les couleurs. Le drapeau est plié, rangé, mais bien existant encore, presque menaçant d’être à nouveau déployé si l’humanité ne prend pas conscience des raisons des horreurs passées. Et des menaces, il y en a de très actuelles. La bombe atomique par exemple. Christian Vetter décline les contours du champignon d’une explosion atomique sur de nombreuses toiles portant le nom générique de Atompilz/Atomic Mushroom. Son œuvre révèle alors toute la peur qui était latente dans ses peintures de murs ou de maisons expliquant l’angoisse que l’on ressentait.

Traducciòn española : Santiago Borja
English translation : Laura Hunt

Christian Vetter :
— Vietnamesische Mauer / Vietnamese Wall, 2006. Huile sur toile. 100 x 130 cm.
— US Air Force, 2006. Huile sur toile. 50 x 60 cm.
— Blockhuette, 2003. 130 x 180 cm.
— Fenster, 2005. 70 x 45 cm.
— Maeur, 2002. 130 x 180 cm.
— Sands, 2006. 100 x 130 cm.
— New Sockets, 2006. Aquarelle, Acrylique, pastel et sable sur papier. 107 x 76 cm.
— Santa Claus, 2006. Aquarelle, Acrylique, casein, pastel et fusain sur papier. 95 x 73 cm.
— Glittereyed, 2005. Technique mixte sur papier glue et bois. 101 x 122 cm.
— Curves are Beauty, Shapely Goldesses, 2006. Pastel sur laine. 100 x 94 cm.
— Angel, 2006. Aquarelle, acrylique, pastel et fusain sur papier. 95,5 x 73 cm.

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