ART | CRITIQUE

Anselm Kiefer

PJulia Peker
@26 Oct 2007

Passeur entre les temps, Anselm Kiefer a installé un décor pérenne au cœur du Louvre, pétri dans les symboles alchimistes et la vitalité des éléments.

Entre les salles consacrées à la Nubie et le Soudan, Anselm Kiefer a installé un nouveau décor pérenne au cœur du département des Antiquités égyptiennes, posant le premier jalon d’un projet d’inscription de l’art contemporain entre les murs du musée du Louvre, pour lequel lui succèderont Cy Twombly et François Morellet.

En haut du grand escalier de la colonnade de Perrault, dans une niche monumentale creusée dans le mur, sous une voûte en arêtes, encadrée par deux chapiteaux corinthiens, une haute peinture se dresse comme une stèle funéraire, face à une fenêtre de taille analogue. Insérée dans un tel ensemble architectural, l’œuvre est à la mesure de la monumentalité de l’ensemble.

Pour cette œuvre, Anselm Kiefer ne renvoie pas à la culture allemande, mais à l’alchimie, à la mythologie, et à la religion, croisant les thèmes et les temps, remodelant les fondements symboliques et les références ésotériques.
Athanor représente un gisant couché sur la partie inférieure de la toile, au-dessus duquel se déploie une voûte nimbée de matériaux, criblée d’aspérités rugueuses. Derrière ses constellations, le ciel est encore plus noir que la terre mêlée d’ocre et de gris.
Le titre de l’œuvre reprend le nom donné aux four des alchimistes, dans lequel les hommes ont tenté de transformer en plomb en or. Rythmant l’élévation verticale de ce ciel agité où se déploie l’univers, trois inscriptions mystérieuses: nigredo, albedo, rubedo, et un liseré argenté situé au milieu du tableau, surmonté d’un trait d’or.

Formés sur les racines latines des couleurs, les termes désignent successivement l’œuvre au noir, l’œuvre au blanc, et enfin l’œuvre au rouge, en cette langue romane indéterminée qui fut celle des alchimistes. Il s’agit là des différentes phases destinées à réaliser la Pierre Philosophale, cette fameuse substance capable de transformer en or les métaux les plus vils.
Peintre alchimiste, Anselm Kiefer travaille les matériaux de sa toile, en extrait le sens et la puissance picturale, arrache des nuées blanches à la terre noire et distille de la poussière d’or. La mort n’est que le point de départ d’un processus de recomposition et de métamorphose, et c’est cette vitalité des éléments qui anime paysages de cendre et ciels de plomb.

En écho à Athanor, deux sculptures placées dans des niches latérales de l’escalier représentent Danae et Hortus Conclusus, où les tournesols pétris dans la pierre accueillent une présence divine.

A défaut d’aboutir à un résultat empirique, la recherche de la Pierre philosophale nourrit une mythologie féconde où s’activent matériaux et processus. En véritable passeur, Anselm Kiefer organise un vaste réseau où circulent les symboles, métamorphose les éléments et les temps.

Anselm Kiefer
— Danaé, 2007. Plomb, or métal, résine.
— Athanor, 2007. Emulsion, schellac, huile, craie, plomb, argent et or sur toile de lin.
— Hortus Conclusus, 2007. Plâtre, aluminium, schellac, acrylique.

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