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Annika Larsson

PProvoke, entre contestation et performance, la photographie au Japon 1960–1975
@12 Jan 2008

Sur une plage, trois hommes se livrent à un rituel complexe et mystérieux d’échange d’objets, de regards et de gestes lents et sensuels… Certaines des postures du corps masculin d’aujourd’hui se révèlent entre féminité, fragilité, voire soumission.

La deuxième exposition de la Cosmic Galerie accueille deux jeunes artistes — Annika Larsson et Haluk Akakçe — qui se servent de la vidéo pour concevoir des univers froids, épurés, loin du réalisme et de la narration classique.

Annika Larsson, dont c’est la première exposition en galerie à Paris, présente Pink Ball, une vidéo d’une vingtaine de minutes, qui a pour cadre une plage de sable fin. Dans cet espace silencieux et lisse, baigné d’une lumière zénithale, trois hommes se livrent à un jeu complexe et mystérieux fondé sur l’échange et la transmission d’objets métaphoriques, dans une sorte de rituel animé par des gestes lents, précis et sensuels.

Le premier homme qui apparaît à l’écran est brun. Assis, il porte une chemise blanche et un pantalon gris qui cachent — ou protègent — un corps d’athlète. Son attention se porte sur une balle de caoutchouc rose posée sur le sable. Il la prend négligemment, la malaxe, la caresse avant de la porter à sa bouche et de l’éjecter au loin.
Dans la séquence suivante, cet homme est assis à côté d’un autre homme, le torse nu, apparemment plus jeune. À quelques dizaines mètres, près du rivage, un troisième homme coiffé d’un bonnet de bain de caoutchouc rose est couché sur le dos. Il est bronzé et nu, immobile, quasiment inerte. Seul l’état à demi érectile de son sexe manifeste un semblant de vie.

Cet homme au bonnet de bain rose va être l’objet d’infinies attentions. Il sera tour à tour touché, caressé, équipé de bouées, « encordé », déplacé sur l’eau, abandonné sur la plage, recouvert de sable, foulé aux pieds, etc. Il est difficile de vraiment savoir qui est le maître de ce ballet à la fois charnel (la beauté des corps, la méticulosité des gestes), froid (la sécheresse de la lumière zénithale, les cadrages coupés au cordeau) et ambigu (quels sont les rôles de chacun ? qui manœuvre les leviers du désir ?).

Il est toutefois évident que le corps de l’homme nu au bonnet de bain sert, pour les deux autres, de support à une relation d’ordre sexuel (la mimesis des gestes, le désir de posséder ce corps soumis), religieux (la balle de caoutchouc et le bonnet de bain comme figure symbolique de l’hostie ?), voire économique (la consommation du corps, son déplacement et son recyclage).

Cette œuvre fait écho à la situation en vigueur dans le monde occidental où la quête du corps parfait, soumis et dominant, s’inscrit dans des enjeux de séduction, de manipulation, de pouvoir, d’inspiration plus masculine que féminine. Annika Larsson met l’accent sur certaines postures du corps masculin d’aujourd’hui : la féminisation, la fragilisation, voire les attitudes de soumission.

Assimilé à une « Pink Ball », à une balle, le corps est considéré comme une monnaie d’échange dont la circulation obéit à une économie, celle du désir, du pouvoir, de l’accumulation…

Annika Larsson
Pink Ball, 2002. DVD en boucle, 16’13”.
Pink Ball, 2002. Cibachrome plastifié. 75 x 100 cm.

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