PHOTO

Annie Ratti

A l’occasion de la Nuit Blanche 2008, Annie Ratti présente en vidéo un ballon rouge qui traverse Paris pour après disparaître dans le ciel. Une façon de revisiter la ville et de la montrer, mais aussi  de parler de «la disparition»… 

Annie Ratti  est une artiste nomade et multidisciplinaire. Elle utilise les moyens les mieux adaptés pour traduire des intentions très politiques : vidéo, photographie, installation, sculpture qu’elle associe à d’autres pratiques en collaborant souvent avec d’autres artistes, musiciens, écrivains.

En 1994, elle crée avec la collaboration de Angela Vettese et Giacinto di Pietrantonio le «Cours supérieur des arts visuels», à la Fondazione Antonio Ratti à Côme. Il s’agit d’un atelier où est dispensé un enseignement intensif, dédié aux jeunes artistes internationaux. Un cours «organique et non institutionnel»,  un lieu d’échange, de réflexion et de production pour les jeunes artistes qui bénéficient chaque année de l’enseignement d’un artiste invité : Allan Kaprow, Jimmie Durham,Yona Friedman, Giulio Paolini, Joan Jonas, Joseph Kosuth, Marina Abramo, Hamish Fulton, John Armleder et d’autres.

Annie Ratti applique et développe, sur tous les territoires où elle intervient, une stratégie communicative et cognitive, interactive et collaborative. Depuis 20 ans, son travail est exposé dans les principaux musées internationaux, dans les galeries et les biennales.
Lorsque Antonio Ratti, son père, meurt, elle devient Présidente de la Fondation Antonio Ratti (FAR) où elle doit assurer la continuité d’un lieu capable de produire de la culture.

Serge Malik. Comment le nomadisme, essentiellement urbain, qui constitue votre mode de vie influence-t-il votre travail ?
Annie Ratti. L’important, comme disait Alighiero Boetti quand nous habitions tous les deux à Rome, c’est d’être étranger dans le lieu où l’on vit. Et c’est bien cet état d’étrangéité qui m’intéresse et me tient dans un constant état d’éveil et de détachement. J’aime travailler dans ces conditions qui existent aussi quand on est en train de voyager, qu’on n’est nulle part, et qu’il se produit une «petite mort», comme disait Virillo.

Souvent vous aimez collaborer avec d’autres artistes, comment s’opère la rencontre ?  Comment analysez-vous ce désir de travailler ensemble ?
Annie Ratti. Les rencontres naissent avant tout du désir de partager et de mélanger mes pensées avec celles des autres. Se confronter, aller plus loin, trouver une légèreté qui est aussi celle du jeu, un jeu qui se fait à deux ou à plusieurs.
Mon mouvement artistique préféré a toujours été Dada. Voilà où j’ai rêvé d’être, où je m’inspire, où je m’identifie. Travailler signifie aussi éliminer son ego. Félix disait toujours que la réalité se trouve dans l’espace entre soi et l’autre et pas simplement en soi ou dans l’autre.  Moi, je dirais que collaborer porte à créer des réalités qui ne pourraient pas exister autrement et qui n’appartiennent ni à l’un, ni à l’autre, mais au mélange des deux.
Je suis actuellement en train de préparer une exposition avec Bruna Esposito, une artiste italienne avec laquelle j’ai déjà collaboré dans le passé. Ce qui m’intéresse le plus est notre façon très différente de penser et de procéder. Et c’est bien ce mélange qui produira un travail intéressant.

Que représente pour vous la Nuit Blanche, cette manifestation parisienne ?
Annie Ratti. La Nuit Blanche m’intéresse par  son aspect immédiat et éphémère, où la durée est  une nuit et aussi par le fait que l’art est à la disposition de tout le monde, gratuitement, ce qui est très important.  J’aime travailler dans des contextes qui ne sont pas l’espace «cube blanc et protégé»  de la galerie. 

Le Ballon rouge apparaît dans votre univers dès 2006. Il s’agissait alors d’une installation intitulée Evaporated Sea, présentée à la White Box à New York et qui comportait déjà un film réalisé en collaboration avec le cinéaste canadien Christopher Walters. Pourquoi encore une installation vidéo après Evaporated Sea ? Reverra-t-on Le Ballon rouge dans une autre installation ? Dans une autre ville ?
Annie Ratti. Dans l’installation Evaporated Sea, je choisissais de projeter sur cette mer de sel, lieu où il n’y a donc pas de vie, le pèlerinage d’un ballon rouge qui traversait New York pour après disparaître dans le ciel, comme c’est le destin des ballons. Est-ce que je comparais New York à une ville sans vie ou simplement entourée d’eau ?
D’un côté, le pèlerinage du ballon me permettait de revisiter la ville et de la montrer ; de l’autre, le ballon rouge était pour moi une façon de parler de «la disparition». La même année, ma sœur nous avait quittés et c’était par rapport à ce deuil que je réalisais ce film.
Mais comme d’habitude dans une œuvre, il y a toujours plusieurs stratifications de signifiants donc, encore une fois, en m’arrêtant sur le titre Le Ballon rouge, je rends hommage au film homonyme d’Albert Lamorisse par lequel j’ai été très touchée.
L’idée de retrouver le ballon à Paris a été très immédiate et spontanée. Dans cette version le film a été tourné en 16 mm et il y a le point de vue subjectif du ballon, son regard sur la ville et sa vie.

On ne peut parler de vous et de votre fonctionnement comme artiste sans évoquer vos autres responsabilités et engagements. Vous êtes l’initiatrice d’un atelier-workshop qui se tient tous les ans à la Fondation Ratti à Côme. Comment votre activité d’artiste et cette responsabilité, «qui est aussi une tâche récurrente», se combinent-elles ?
Annie Ratti. Être artiste aujourd’hui n’a plus la même signification qu’il y a quelques années. Un artiste aujourd’hui est engagé à 360 degrés dans ce qu’on appelle le social et le politique. On ne peut plus être détaché de notre contexte et quand on l’est, c’est pour en créer un autre. Comment dire… Les artistes sont des producteurs de sens, de pensées, de lieux, de signifiants et de signifiés qui interagissent avec autant d’autres contextes.
C’est avec cette pensée que j’ai créé, il y a une dizaine d’années, ce workshop pour jeunes artistes internationaux. Je l’ai fait aussi en considérant le manque en Italie de structures publiques ainsi que la nécessité d’établir un terrain d’échange et de réflexion entre artistes de différentes générations.

 

AUTRES EVENEMENTS PHOTO