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Anne-Laure Sacriste

PGéraldine Miquelot
@12 Jan 2008

Les dessins et peintures d’ Anne-Laure Sacriste parlent le langage de la nature: îles et rochers, feuillages et forêts. Mais la noirceur vertigineuse des tableaux est moins idyllique que cauchemardesque. Les dessins oscillent entre métaphysique de la solitude et spleen baudelairien assumé.

Dans la première salle, consacrée aux huiles sur bois aux titres oniriques (Rocher, Cascade, Nocturne), Anne-Laure Sacriste peint de l’eau, une eau sombre et opaque sur laquelle flottent des îles fantomatiques. Ce thème a priori bucolique donne lieu à des visions ténébreuses. Les couleurs très diluées se détachent à peine des fonds sombres, presque noirs, des tableaux. Tandis que le bois absorbe tous les éclats de l’huile.

Aucun reflet ne glisse sur ces paysages obscurs. La matité du support et la lumière diffuse de la salle empêchent l’apparition de la moindre lueur, en dépit des changements d’axe du regard. L’impossibilité pour le spectateur de faire osciller, par son déplacement, le moindre éclat sur l’oeuvre, fige les paysages dans une immobilité absolue.

Dans ce vertige, les formes indéfinies se transforment parfois en ombres sinistres, aussi cauchemardesques que les titres tels que L’Ile au crâne 3.
Le grand panneau de bois, à la surface pourtant parfaitement opaque, de ce tableau laisse entrevoir, dans un jeu discret d’épaisseurs de peinture, des silhouettes de feuilles d’arbres.
Dans Rocher, la matité ne dissimule pas tout à fait une forêt, étonnamment luxuriante.

Comme les autres toiles, L’Ile aux lacs laisse apparaître une eau ténébreuse où flotte une forme vaporeuse qui pourrait s’échapper d’un souffle, tant elle est légère. C’est l’utilisation de l’huile, à la limite de l’aquarelle, qui confère à ces paysages leur fragilité, leur vulnérabilité. Sur ces grandes zones de peinture éthérée se détachent de petites feuilles vivaces, rares détails de végétation et de vie.

On retrouve les mêmes petites feuilles dans les dessins sur papier Japon encadrés sous verre. A la différence de la salle des peintures, celle-ci est claire et pleine de reflets.

A l’aide du stylo bille, Anne-Laure Sacriste noircit d’un trait vif un tronc ou une branche, esquisse une feuille. Ses titres contredisent pourtant cette apparente quiétude: Gone For Ever in the Light, le dessin d’un tronc couché, recouvert de feuilles et de lianes, évoque un départ. Quelqu’un est mort, quelque chose s’est envolé, mais l’absence traverse l’oeuvre.

La fragilité des relations humaines est transposée à la nature. Équilibre précaire figure un mobile improvisé entre trois troncs et quelques branches souples et légères. Tandis que dans Intricate Relation le noeud de végétaux évoque des relations humaines.

Un double visage de jeune fille apparaît dans Anywhere Out of the World composé de deux feuilles superposées. Les maigres troncs d’arbres du dessin de dessus masquent à peine ceux, massifs, de celui de dessous. De façon analogue, dans Lost in the Dark une forêt claire et accueillante en cache une sombre et dense.

Plus que juxtaposer les contraires, Anne-Laure Sacriste les fusionne. De l’eau sur un bois sec, des herbes folles sur des troncs massifs, des couleurs vives noyées dans du noir. Le «clair-obscur» comme paradigme du travail d’Anne-Laure Sacriste.

English translation : Rose-Marie Barrientos
Traducciòn española : Maite Diaz Gonzàlez

Anne-Laure Sacriste
— Nocturne 2, 2006. Huile sur bois. 73 x 100 cm.
— L’Ile au lac 1, 2006. Huile sur bois. 50 x 60 cm.
— Le Rivage des morts 2, 2006. Huile sur bois. 114 x 161 cm.
— Do Not Trepassing, 2006. Carbone sur papier japon. 34 x 49 cm.
— Any Where Out of the World, 2006. Carbone sur papier japon. 34 x 49 cm.

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