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Anne Durez

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Des vidéos tournées vers la manipulation de l’image et la distorsion du temps. Ni simples traces, ni vulgaires documents, ce sont des champs d’investigations plastiques et graphiques. Comme on peut travailler une toile, l’approche vidéaste d’Anne Durez est celle d’une peintre.

L’exposition d’Anne Durez remplace celle de Zilla Leutenegger. Une exposition vidéo en remplace une autre. Il est agréable de constater que d’un vernissage à l’autre, une réelle homogénéité anime la sélection des artistes et des œuvres. Les deux vidéos d’Anne Durez font écho au précédent vernissage. La main du galeriste est visible dans ce choix.

On a affaire, comme dans la précédente exposition, à un art vidéo tourné vers des questions formelles. La réappropriation du médium est ce qui saute aux yeux. La bande est retravaillée pour donner un rendu qui s’éloigne de la patte lisse et terne d’un film analogique. La saturation est souvent employée, que ce soit pour brouiller l’image, ou que ce soit pour la rendre diaphane. A travers ce trop plein de lumières ou de grains, l’artiste tente d’imposer sa marque de fabrique, son originalité, son identité. Mais ce traitement de la vidéo n’est pas ce qui convainc le spectateur. A travers ces effets assez pauvres rien ne se produit, rien n’est provoqué. Au contraire le spectateur assiste à une pâle copie d’un montage d’un film de 8 ou 16mm.

Ce travail sur le traitement de la bande et sur son montage a pour but de nous plonger dans l’univers personnel et subjectif de l’artiste. Comme les installations vidéos de Leutenegger qui revisitaient le genre de l’autoportrait, les vidéos Tenir retenir et Malgré tout (2001) nous plongent dans la sphère de l’intime. Il n’est pas anodin de remarquer que deux jeunes artistes femmes s’intéressent à cette question et qu’elles la traitent à partir de la photographie et de la vidéo. Il semblerait que, dans le champ de l’art contemporain, ces deux moyens soient employés pour interroger les notions du corps et de son identité.

La nouveauté de ces autoportraits féminins est de se confronter avec l’espace environnant. Si les corps sont cachés, déconstruits, dissimulés derrière le montage saccadé, et masqués par un grain grossier, ils sont amenés par la suite à se projeter dans la salle d’exposition. Le corps du spectateur sert de relais à ce corps en manque d’identité qui est présent dans Tenir retenir. Anne Durez dans cette vidéo-performance est le pendant d’une scène champêtre. Face à face se confrontent l’image immobile de l’artiste et un champ de coquelicot balayé par les vents. Arrêt, immobilité ou à l’inverse déambulation, le spectateur sert de vecteur à tout ce qui se joue autour de lui. Il est au centre d’une toile de signes et d’informations. Un jeu de construction mental et iconique se met en place par son intermédiaire.

Les corps sont déconstruits, parcellisés puis pixelisés, mais loin d’aboutir à une déconstruction du sujet, l’identité est reconstruite pièce après pièce, comme dans un puzzle, grâce au spectateur. Malgré tout illustre ce paradoxe de la reconstruction. L’alternance des plans serrés sur les personnages pourrait être une source de perdition, mais elle est, en fin de compte, le moyen pour accéder à la connaissance du sujet.

La perdition par la saturation, la parcellisation, la pixelisation ne sont que des voiles jetés sur le corps de l’artiste, des acteurs et du spectateur par ricochet. Loin du journal intime, les vidéos d’Anne Durez interrogent sur l’identité de chacun, sans forcément apporter de réponses ni de solutions.

Tenir retenir, 2001. Vidéo.
Malgré tout, 2001. Vidéo.

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