ART | CRITIQUE

Anne Deleporte

PPierre-Évariste Douaire
@12 Jan 2008

Anne Deleporte telle un poinçonneur des Lilas fou oblitère papiers photo et films vidéo. Elle dégaine plus vite que son ombre et troue toutes les images qui lui tombent sous la main. A partir d’un simple papier sensible elle parvient à créer des images où la lumière se dispute avec sa part d’ombre. Entre photogramme et négatif les images percées qu’elle nous montre laissent pénétrer la fiction par effraction.

Très souvent le petit espace de la galerie Xippas offre un accrochage différent qui apporte un souffle frais. A la place des grosses pointures internationales et des œuvres incontournables, on peut y découvrir des petites perles. Anne Deleporte les enfile avec aisance, sauf que pour elles les perles sont des trous qu’elle filme et photographie.

Alors que dans la salle principale les toiles et les photos sont exposées les unes après les autres, l’espace ici s’organise différemment et fait dialoguer photos et vidéos. Plus petit mais plus surprenant, l’espace 2 parvient à créer des rencontres intéressantes, en général on y montre l’envers du décor, on y dévoile les coulisses d’une installation ou d’un film.

Avant de découvrir les œuvres d’Anne Deleporte, on a le temps d’entendre la bande son de la série « Bullets ». Comme dans un farwest ou dans un film de guerre, des détonations et des rafales d’armes à feu retentissent. On entre avec la peur au ventre, et l’on a en face de soi un écran plasma noir qui à chaque coup de feu est percé par un ou plusieurs trous blancs. Le cadavre malgré les stigmates diaphanes reste debout.

Les deux vidéos présentées sont deux variations sur le même thème. Dans Bullet 43, le voile noir se transforme progressivement. A chaque impact de balles, le motif caché derrière la tapisserie écranique se révèle. La chevrotine sonore tisse une toile qui s’effrite pour laisser percer un ciel nuageux et bleu. Le paravent tombe, le firmament du début — fond noir et étoiles blanches — laisse la place à un paysage diurne. Bullet 28 procède de la même façon et laisse percer un motif complètement blanc. A force de tirer au gros calibre sur le monochrome noir ce dernier se transforme en linceul blanc. Le résultat final est un carré noir sur carré blanc.

Le procédé parvient à concilier une exigence formaliste et une touche drôle, lorsque les spectateurs entrent ils ne peuvent s’empêcher de sourire au duel que se livre le noir et le blanc. A travers ces trous la fiction entre dans la composition de l’œuvre.

Anne Deleporte
— Bullet 28, 2004. Vidéo sur support DVD. 1’30 montées en boucle.
— Bullets 43, 2004. Vidéo sur support DVD. 1’ montées en boucle.
— Bullets (Camera Obscura), 2004. Polyptyque de 28, tirage numérique sur papier, diasec. 30 x 45 cm (chaque).
— Bullets (Sky), 2004. Tirage lambda sur papier photo, diasec. 80 x 80 cm.

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