DANSE | SPECTACLE

Extradanse | Accusations

27 Mar - 28 Mar 2019

Quand le 'Je' se retourne sur lui-même pour se saisir, il lui arrive de devenir autophage. Et d'y prendre goût. Avec Accusations, la chorégraphe Ann Van den Broek livre une performance pour huit danseurs, librement basée sur la pièce 'Auto-accusation' de Peter Handke. Une actualisation immersive et rythmée.

Avec Accusations (2017) la chorégraphe belge Ann Van den Broek (Cie WArd/waRD) livre une performance chorégraphique pour huit danseurs. Librement inspirée par le texte Selbstbezichtigung (1966) [Auto-accusation] de Peter Handke, Accusations propose une sorte de maelström entrelaçant séquences de mouvements live, vidéos, images, sons, paroles… Un tumulte brut, comme la voix intérieure qui ne cesse de délimiter et déliter le Soi. « tu me lamines avec tes accusations, tu me renforces avec tes accusations »… Rapports de forces, avec Accusations Ann Van den Broek puise dans l’énergie du questionnement pour produire une pièce où l’intime se projette dans l’espace de représentation. Édité en français sous le titre Introspection, le texte de Peter Handke déplie un Je qui s’ausculte et tente de se saisir. Entre bilan et autocritique, le Je indéfini se déconstruit autant qu’il passe au crible les lois (du théâtre notamment) qui l’édifient.

Accusations d’Ann Van den Broek : une libre adaptation chorégraphique de Peter Handke

Ambiance immersive, la pièce Accusations puise à son tour dans l’expérience d’Ann Van den Broek pour livrer un moment de mise à nu. Choix manqués et erreurs d’aiguillage… Chances jamais saisies… Désirs impérieux réclamant leur satisfaction immédiate… Regrets éternels… C’est avec la chair de ses propres émotions et analyses qu’Ann Van den Broek recompose ‘Auto-accusation’. Démultipliant les persona, la pièce déroule une boucle où s’enchaînent les voix, les scansions. Loin de l’apitoiement sur soi, Accusations joue plutôt la carte du lancinant. Dans ce que cela peut aussi avoir de plaisant. Et sur une composition sonore de Nicolas Rombouts, soutenue par le design lumineux et vidéo de Bernie van Velzen, Accusations palpite. Dans l’intranquilité d’une énergie qui ne parvient jamais à se satisfaire de ce qui est. Et qui, toujours, pique vers l’amélioration possible. Pour une critique de Soi soulignant ainsi, par la même occasion, les normes contemporaines.

La chorégraphie démultipliée du monologue intérieur, entre autocritique et transgression

Performance rythmée, Accusations mobilise huit interprètes live. À savoir Ann Van den Broek, Louis Combeaud, Gregory Frateur, Wolf Govaerts, Laila Gozzi, An Hackselmans, Frauke Mariën et Nik Rajsek. Tandis que les projections vidéo démultiplient l’effet de prisme. Jeu de spéculations, de réflexions, d’auto-surveillance et de self-control, Accusations livre une parade où chacun fait office de juré. Dans une sorte de confession universelle, teintée d’humour noir. Et peut-être même y a-t-il une forme de plaisir dans l’étalement des échecs, face au tribunal de la performance. Pièce qui déborde, qui peine à s’en tenir au cadre, Accusations triture le nomos — le mot comme la loi. Entre installation, théâtre, danse, film, concert… Invite est ainsi faite à pénétrer le monde chaotique d’un « Je » à l’œuvre. Comme la spatialisation d’un monologue intérieur où le temps se répète, se rembobine, s’empiète… Et où l’espace se diffracte… Le temps d’un retour sur Soi.

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